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contre le traître ; puis, s’exaltant jusqu’à la fureur, elle se mit en devoir d’enfoncer les portes pour faire irruption dans l’église, et en arracher l’évêque afin de le lapider. Les membres du concile, épouvantés par ce tumulte inattendu, quittèrent leurs places, et il fallut que le roi lui-même se portât au-devant des assaillans pour les apaiser et les faire rentrer dans l’ordre[1].

L’assemblée ayant repris assez de calme pour que l’audience continuât, la parole fut donnée à l’évêque de Rouen pour sa justification. Il ne lui fut pas possible de se disculper d’avoir enfreint les lois canoniques dans la célébration du mariage ; mais il nia formellement les faits de complot et de trahison que le roi venait de lui imputer. Alors Hilperik annonça qu’il avait des témoins à faire entendre, et ordonna qu’ils fussent introduits. Plusieurs hommes d’origine franke comparurent, tenant à la main différens objets de prix qu’ils mirent sous les yeux de l’accusé en lui disant : « Reconnais-tu ceci ? voilà ce que tu nous as donné pour que nous promissions fidélité à Merowig[2]. » L’évêque, sans se déconcerter, répliqua : « Vous dites vrai, je vous ai fait plus d’une fois des présens, mais ce n’était pas afin que le roi fût chassé de son royaume. Quand vous veniez m’offrir un beau cheval ou quelque autre chose, pouvais-je me dispenser de me montrer aussi généreux que vous-mêmes, et de vous rendre don pour don[3] ? » Il y avait bien sous cette réponse un peu de réticence, quelque sincère qu’elle fût d’ailleurs ; mais la réalité d’une proposition de complot ne put être établie par des témoignages valables. La suite des débats n’amena aucune preuve à la charge de l’accusé ; et le roi, mécontent du peu de succès de cette première tentative, fit lever la séance et sortit de l’église pour

  1. Haec eo dicente, infremuit multitudo Francorum, voluitque ostia basilicae rumpere, quasi ut extractum sacerdotem lapidibus urgeret : sed rex prohibuit fieri. (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 243.)
  2. Cùmque Praetextatus episcopus ea quae rex dixerat facta negaret, advenerunt falsi testes, qui ostendebant species aliquas, dicentes : « Haec et haec nobis dedisti, ut Merovecho fidem promittere deberemus. » (Ibid.)
  3. Ad haec ille dicebat : « Verum enim dicitis, vos à me saepiùs muneratos, sed non haec ausa exstitit, ut rex ejiceretur à regno… » (Ibid.)