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son oncle, ne fit que s’accroître avec les malheurs qui furent la suite de cette passion inconsidérée. Ce fut au zèle de Prætextatus que, selon toute probabilité, le mari de Brunehilde dut les secours d’argent au moyen desquels il parvint à s’échapper de la basilique de Saint-Martin de Tours et à gagner la frontière d’Austrasie. À la nouvelle du mauvais succès de cette évasion, l’évêque ne se découragea point ; au contraire, il redoubla d’efforts pour procurer des amis et un asile au fugitif dont il était le père, selon la religion, et que son propre père persécutait. Il prenait peu de soin de dissimuler ses sentimens, et des démarches qui, de sa part, lui semblaient un devoir. Pas un homme, tant soit peu considérable parmi les Franks qui habitaient son diocèse, ne venait lui rendre visite sans qu’il entretînt longuement le visiteur des infortunes de Merowig, sollicitant avec instance pour son filleul, pour son cher fils, comme il disait lui-même, de l’affection et un appui. Ces paroles étaient une sorte de refrain que, dans sa simplicité de cœur, il répétait sans cesse et mêlait à tous ses discours. S’il arrivait qu’il reçût un présent de quelque homme puissant ou riche, il s’empressait de le lui rendre au double, en lui faisant promettre de venir en aide à Merowig et de lui rester fidèle dans sa détresse[1].

Comme l’évêque de Rouen gardait peu de mesure dans ses propos et se confiait sans précaution à toutes sortes de gens, le roi Hilperik ne tarda pas à être informé de tout, soit par le bruit public, soit par d’officieux amis, et à recevoir des dénonciations mensongères ou du moins exagérées. On accusait Praetextatus de répandre des présens parmi le peuple pour l’exciter à la trahison, et d’ourdir un complot contre le pouvoir et contre la personne du roi. Hilperik ressentit à cette nouvelle une de ces colères mêlées de crainte, durant lesquelles, incertain lui-même du parti qu’il fallait prendre, il s’abandonnait aux conseils et à la direction de Fredegonde. Depuis le jour où il était parvenu à séparer l’un de l’autre Merowig et Brunehilde, il avait presque pardonné à l’évêque Praetextatus la célébration de leur mariage ; mais Fredegonde, moins

  1. Gregor. Turon. Hist. Francor. ecclesiast., lib. v ; apud script. rerum francic. tom. ii, pag. 244 et 245 — Adriani Valesii rerum francic. lib. x, pag. 89 et seq.