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consiste l’initiation. Eh bien ! je ne suivrai pas le conseil de Fontenelle : ma main droite est pleine de vérités, je ne la fermerai pas. Pour pénétrer le sens mystérieux des drames de M. Hugo, il faut commencer par bien méditer ce verset de l’Évangile : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi. » Car le maître n’accepte pas une admiration partagée ; il veut une foi sans réserve, une obéissance illimitée. Si vous gardez encore pour quelques morts illustres ou pour des noms aujourd’hui glorieux un respect hérétique, ne demandez pas les honneurs de l’initiation, vous n’êtes pas digne de recueillir la manne céleste ; vous aurez beau méditer, vous préparer par des lectures laborieuses à l’intelligence des paroles divines, vous n’irez jamais au-delà du sens littéral et mort ; votre clairvoyance n’atteindra pas l’esprit de la loi nouvelle. Balayez comme une poussière inutile tous les souvenirs qui se pressent dans les avenues de votre pensée ; rayez du livre de votre conscience tous les noms splendides qui depuis soixante siècles ont pris place dans la famille humaine ; humiliez-vous devant votre néant ; prenez en pitié le passé où M. Hugo n’était pas, en espérance l’avenir où il sera, et vous communierez avec ses disciples.

Il vous dira, ce que la foule ignore, pourquoi, par exemple, ayant sous la main des événemens et des hommes révélés par l’histoire, il s’abstient d’y toucher ; pourquoi il refait, selon sa volonté, les générations lointaines que les studieux croyaient connaître, et dont ils ne savaient pas le premier mot. Il vous racontera pourquoi le xviie siècle de l’Espagne, dont il voulait faire quelque chose, est ajourné dans ses projets. Vous apprendrez que les bibliothèques de France ne possèdent, sur l’époque choisie par M. Hugo, que des documens authentiques, des témoignages officiels, mais pas un libelle, pas une chanson de taverne, pas une satire de favori disgracié, de courtisane vendue aux laquais de l’Escurial. Honte et pitié, n’est-ce pas ? À quoi donc s’occupent les chambres ? à brasser des lois de finances, tandis qu’elles devraient se dévouer à l’ambition universelle de M. Hugo. Ne serait-il pas dans les droits de la France de réveiller ces législateurs assoupis ? Que vous semble d’une pétition déposée sur le bureau du président, pour obtenir que M. de Rayneval soit autorisé à feuilleter les bibliothèques de la Péninsule ? Au lieu de mugueter au Prado,