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L’OR DES PINHEIROS.

et d’attendre qu’elle vînt à résipiscence. Un fait, entre autres, me frappa en ce qu’il me donna l’explication de plusieurs dictons populaires qui avaient souvent frappé mon oreille sans que je pusse remonter à leur origine. On entend assez fréquemment dire à Saint-Paul, et même dans la province de Rio-Janeiro, d’un homme qui s’est enrichi subitement, et sans moyens ostensibles, qu’il a trouvé l’or des Pinheiros, de celui qui tente une entreprise difficile, qu’il cherche l’or des Pinheiros, et ainsi du reste. Voici l’évènement tragique qui a donné naissance à ces proverbes. Les notes que j’en pris à l’instant, et le souvenir fidèle qu’en a gardé ma mémoire, me permettent de le rapporter, à peu de chose près, dans les termes mêmes du manuscrit.

À aucune époque, depuis sa colonisation, la province de Saint-Paul n’avait été remplie de plus de troubles qu’à celle dont il s’agit ici. Deux familles, les plus puissantes du pays, les Ramalhos et les Pinheiros, mettaient tout en combustion par leurs discordes et leurs querelles particulières. On n’entendait parler que d’attaques contre les personnes et les propriétés, et nul n’eût été si imprudent que de s’aventurer quelque part, même en plein jour, sans être armé jusqu’aux dents, et entouré d’esclaves pourvus pareillement de moyens de défense. Une singulière conformité de position régnait entre ces deux familles. Toutes deux remontaient aux premiers temps de la colonie. Le chef de la première était le fils de ce Joao Ramalho qui était déjà établi dans la plaine de Piratininga avant l’arrivée des missionnaires, et qui dès 1553 avait été nommé alcaide môr de la Villa de Santandré. Celui des Pinheiros se vantait, de son côté, que son père avait élevé la première maison de Saint-Paul après les missionnaires. Tous deux avaient eu, de femmes indiennes, une postérité nombreuse, avaient passé leurs années de vigueur en excursions dans les bois ; tous deux, enfin, avaient acquis des richesses égales en or, en diamans et en esclaves.

Il fallait que la cause qui avait donné naissance à la haine des deux vieillards fût bien grave et bien ancienne, car jusque-là ils s’étaient montrés inflexibles à toutes les tentatives qu’on avait faites pour les rapprocher. « L’arbre de l’oubli ne peut plus croître