Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/342

Cette page a été validée par deux contributeurs.
336
REVUE DES DEUX MONDES.

tions aventureuses dont les déserts qui en furent le théâtre connaissent seuls les détails ; çà et là un petit nombre de grandes et généreuses actions ; puis, dominant tout cela, le spectacle perpétuel de l’oppression, de tout ce que le fort peut se permettre contre le faible ; tel est, en peu de mots, l’esquisse historique des premières années du Brésil.

On doit pourtant rendre cette justice aux Portugais que leur conduite en Amérique ne fut ni plus violente ni plus cruelle en général que celle des Français, des Anglais et des autres nations européennes, autres que les Espagnols. Ils ne furent pas toujours les agresseurs dans leurs guerres avec les indigènes, et ils n’eussent pas demandé mieux que de les civiliser. Les Martim Affonso de Souza, les Mendez de Sà, les Albuquerque, les Coutinho, sont des hommes dont le nom est passé avec honneur jusqu’à nous. On trouverait même difficilement, parmi les premiers colons portugais, quelques-uns de ces hommes de sang et de dévastation à mettre en parallèle avec ceux que l’Espagne vomissait à cette époque, avec une si déplorable fécondité, sur la malheureuse Amérique.

Vers la fin donc du xvie siècle, les premières difficultés de la colonisation étaient vaincues au Brésil. Les peuplades du littoral résistaient bien encore sur un grand nombre de points, mais les plus redoutables d’entre elles, telles que les Tapuyas, les Goytacazes, les Tupinambas, étaient en partie exterminées, ou s’étaient retirées dans l’intérieur. Déjà commençait, parmi la plupart de ces nations abruties, cette émigration gigantesque qui, des bords de l’Atlantique, les a conduites jusque sur ceux de l’Amazone, où leurs débris se sont conservés jusqu’à nos jours. Celles de mœurs plus douces s’étaient réunies dans des villages à la voix des missionnaires, ou supportaient patiemment le joug des Portugais ; ceux-ci, en un mot, commençaient à respirer. Néanmoins la civilisation, comme une plante étrangère transportée dans un sol rebelle, avait peine à prendre racine ; une étroite lisière du littoral en offrait seule des traces incontestables.

Ce que cette lisière perdait en profondeur, elle le gagnait en étendue. Pendant six cents lieues, un navire qui eût longé la côte à vue de terre, eût aperçu çà et là des éclaircies dans les forêts, apparaissant comme des taches sur leur sombre verdure, des co-