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LUTHER À LA DIÈTE DE WORMS.

mais, après avoir passé Eisenach, non loin d’Altenstein, sur les bords de la forêt de Thuringe, il fut enveloppé par une troupe de cavaliers qui y étaient en embuscade. Ces cavaliers, déguisés, l’enlevèrent de sa voiture, le mirent sur un cheval, et le conduisirent à travers la forêt, où ils le gardèrent jusqu’à onze heures du soir dans un château construit sur la crête la plus élevée de ces montagnes. Ce château servait anciennement de demeure au landgrave de Turinge, et s’appelait la Wartburg. C’était l’asile que l’électeur de Saxe avait ménagé à Luther.

Ce prince, qui s’était attaché de plus en plus à lui, avait résolu de ne point l’abandonner, quand il serait mis au ban de l’empire. Mais, afin de concilier ce dessein avec l’obéissance qu’il devait à un décret de la diète, il se proposa de le soustraire à ses persécuteurs, sans toutefois le protéger publiquement. Il chargea Spalatin de lui procurer un refuge dans ses états, et il voulut que ce refuge restât secret même pour lui. Spalatin avait ponctuellement exécuté ses ordres en faisant transporter, dans le château de la Wartburg, Luther, qui déposa son habit de moine pour prendre le costume de gentilhomme, et changea son nom de docteur Martin en celui de chevalier George, afin de n’être pas reconnu.

Après que Luther avait quitté Worms, la diète s’était occupée de la sentence qu’elle devait porter contre lui. Le nonce Aléander avait été chargé de la rédiger ; mais beaucoup de princes, ne voulant pas tremper dans cette condamnation, étaient partis de Worms avant qu’elle fût prononcée. L’électeur de Saxe était de ce nombre ; il écrivit, le 5 mai, à son frère le duc Jean : — « Sachez que non-seulement Anne et Caïphe se déclarent contre Martinus, mais aussi Pilate et Hérode. »

L’édit de l’empereur fut publié le 26 mai dans la cathédrale de Worms. On lui donna, cependant, la date du 6, afin qu’il parût avoir été fait en pleine diète et approuvé par tous les princes de l’empire. Charles-Quint, au nom duquel cet édit était publié, déclarait qu’en exécution de la sentence prononcée par le souverain pontife, juge légitime de cette cause, Luther était séparé de l’église et banni de l’empire. Il défendait, sous peine d’exil perpétuel, de lui donner asile, de lui fournir de la nourriture, de lui prêter aucune assistance ; il ordonnait de s’emparer de sa personne, de