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Il leur répondit : — Quand ils allumeraient un feu jusqu’à la hauteur du ciel entre Wittemberg et Worms, j’irais.

Il partit donc sur un chariot découvert que lui fournit le sénat de Wittemberg. Le duc Jean de Weimar pourvut aux frais de son voyage. Luther était accompagné des professeurs Just Jonas et Nicolas Amsdorf, ses disciples, et du jurisconsulte Jérôme Schurf. Le héraut impérial, avec son habit armoirié, le précédait à cheval. Sur toute la route, il fut l’objet de la curiosité du peuple et de son enthousiasme. On lui fit à Erfurt une réception magnifique. Le recteur de l’université vint à sa rencontre à deux lieues de la ville, suivi d’un cortége considérable à cheval et à pied. Quoiqu’il lui fût interdit de prêcher, il céda aux prières des habitans d’Erfurt, et monta en chaire dans l’église des Augustins. Partout la foule accourut au-devant de lui, émue d’admiration et de crainte. À Oppenheim, Spalatin lui fit dire de ne pas s’avancer si inconsidérément ; mais il répondit : « Je me rendrai à Worms, quand il y aurait autant de diables qu’il y a de tuiles sur les maisons. » À Mayence on lui conseilla de se retirer dans le château d’Ebernburg, où François de Sikingen lui fit offrir un asile par le docteur Martin Bucer, qu’il avait envoyé au-devant de lui avec quelques cavaliers pour lui servir d’escorte. Mais il répondit constamment qu’il irait où il était mandé.

Il entra le 16 avril dans Worms, sur son chariot découvert, vêtu de son habit de moine, toujours précédé par le héraut impérial et suivi de plus de deux mille personnes. Ce cortége, grossi par les habitans de la ville, l’accompagna jusqu’à la maison des chevaliers teutoniques, où il descendit. Le jour même, il fut visité par plusieurs dignitaires de l’empire et beaucoup de gentilshommes allemands. Chacun voulait voir cet homme qui, depuis quatre ans, affrontait seul la puissance du pape et s’était rendu célèbre dans toute l’Europe par sa science, son austérité, son courage. Le poète Ulric de Hutten, son ami, l’ingénieux et belliqueux auteur des Epistolæ obscurorum virorum, sous lesquelles avaient été accablés les moines en Allemagne, lui écrivit pour l’entretenir dans ses hardies résolutions. Sa lettre, qui portait pour suscription : — Au théologien et à l’évangéliste Martin Luther, mon saint ami, finissait par ces mots : Dans cette occurrence, très cher Luther, soyez confiant et de-