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LUTHER À LA DIÈTE DE WORMS.

d’ordonner immédiatement, par un édit, l’exécution de la sentence du pape.

L’empereur, ne voulant mécontenter ni l’électeur de Saxe qui n’assista point à cette séance, ni le nonce Aleander, les satisfit en partie l’un et l’autre. Il résolut d’appeler Luther devant la diète, avant de faire brûler ses livres et de prononcer son bannissement. Mais en même temps il ne voulut l’y appeler que pour apprendre de lui s’il était le véritable auteur des propositions condamnées par la bulle, et s’il persistait à les soutenir. Il espéra que la crainte de l’autorité impériale arracherait à Luther une rétractation qu’il n’avait pas voulu accorder aux menaces lointaines de la cour de Rome. S’il refusait, Charles-Quint était décidé à agir. Il cita donc Luther à Worms, non pour y voir examiner sa doctrine, mais pour l’y désavouer, ou pour y entendre sa condamnation.

Le 6 mars 1521, il lui écrivit la lettre suivante :


« Charles-Quint, par la grace de Dieu, empereur des Romains, toujours auguste, etc., à notre honorable, cher et pieux docteur Martin Luther, de l’ordre des Augustins.

« Attendu que nous et les états du saint empire, maintenant assemblés ici, avons proposé et résolu, à cause de la doctrine et des livres publiés par toi depuis quelque temps, de prendre une décision à ton égard, nous t’accordons, pour te rendre ici, et de plus pour la sûreté de ton retour, notre libre et impériale sauve garde que nous t’envoyons avec cette lettre.

« Désirant que tu te mettes aussitôt en route pour te rendre auprès de nous, sous vingt-un jours et de la manière fixée par le sauf-conduit, et que tu viennes sans craindre ni violence ni injure, nous voulons fermement tenir la main à l’exécution de notre sauf-conduit et nous persuader que tu viendras. Car, si tu y manquais, tu rendrais notre justice sévère. »


La lettre et le sauf-conduit de l’empereur furent remis à Luther par le héraut impérial Gaspard Strum, chargé de le protéger pendant la route. Luther obéit sans hésiter aux ordres de l’empereur et de la diète. Mais quelques-uns de ses amis, ne partageant pas son intrépidité, et croyant sa vie menacée, cherchèrent à le détourner de ce dessein en lui faisant craindre le sort de Jean Huss.