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gée de la puissance ecclésiastique, qui lui enjoignait de réprimer par la force ceux qu’elle avait condamnés au nom de la religion. L’empereur, auquel s’adressa Léon x, était donc appelé à devenir, à la suite du pape, l’adversaire de Luther.

Cet empereur était Charles-Quint. Il avait alors vingt-un ans, et il était le plus puissant souverain de l’Europe. Il avait acquis, en 1506, les Pays-Bas ; en 1516, les royaumes d’Espagne, de Naples, de Sicile et de Sardaigne ; en 1519, les états de la maison d’Autriche, et il venait d’obtenir l’empire. Christophe Colomb, Fernand Cortès, François Pizarre avaient ajouté presque tout un continent nouveau à ses états d’Europe. Quatre grandes maisons, les maisons d’Aragon, de Castille, de Bourgogne, d’Autriche, étaient venues se réunir en lui. Voisines de la France, effrayées de son agrandissement sous Charles vii et sous Louis xi, et de ses conquêtes sous Charles viii, ces maisons s’étaient alliées par des mariages, et elles avaient laissé Charles-Quint comme l’héritier de leur puissance et le représentant de leurs craintes. Né d’un système d’alliances politiques, il était à lui seul une coalition. Les races royales qu’il résumait en sa personne ne lui avaient pas seulement transmis leurs possessions, mais leurs qualités. Il avait l’habileté et la ruse de cette maison d’Aragon qui avait produit, dans Ferdinand-le-Catholique, le plus politique et le plus astucieux des souverains de son temps ; la gravité et la tristesse de cette maison de Castille qui s’était éteinte dans Jeanne-la-Folle, et qui le firent plus tard assister vivant à ses propres funérailles ; la bravoure et le caractère entreprenant de cette maison de Bourgogne qui était allée expirer à Morat et à Nancy avec Charles-le-Téméraire ; l’esprit de conduite de cette maison d’Autriche qui, arrivée avec sa seule épée en Allemagne, dans le xiiie siècle, y était la plus puissante au xive. Il était jeune, brillant, sérieux, adroit, courageux, plein d’éclat et de projets. Les états qu’il avait reçus n’étaient pour lui que des moyens d’en acquérir d’autres. L’Autriche, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie furent comme de fortes colonnes sur lesquelles il travailla pendant vingt ans à élever le vaste édifice de la monarchie universelle.

Charles-Quint, qui venait d’être couronné (le 21 octobre) à Aix-la-Chapelle, avait convoqué la première diète de son règne à Worms. Le pape lui ayant écrit d’exécuter la sentence qu’il avait