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à ce sujet une phrase de Condorcet, ce serait à Voltaire le premier qu’on devrait cette consolante idée de perfectibilité. Le critique part de là pour amoindrir spirituellement la question, et pour la réduire petit à petit aux dimensions de ce vers du Mondain,


Ô le bon temps, que ce siècle de fer !


C’est, à son gré, le meilleur résumé, et le plus élégant, qu’on puisse faire, de tout ce qui a été débité sur ce sujet. L’esprit mâle et sérieux de Mme de Staël avait peine à digérer surtout cette façon moqueuse, mesquine, marotique, de tout ramener à un vers du Mondain. Elle bouillonnait d’impatience et s’écriait dans la familiarité : « Oh ! si je pouvais me faire homme, quelque petit qu’il fût, comme j’arrangerais une bonne fois ces anti-philosophes ! » Le premier article du Mercure est terminé par ce post-scriptum mémorable : « Quand cet article allait à l’impression, le hasard a fait tomber entre nos mains un ouvrage qui n’est pas encore publié et qui a pour titre des Beautés morales et poétiques de la Religion chrétienne. On en fera connaître quelques fragmens, où l’auteur a traité d’une manière neuve les mêmes questions que Mme de Staël. » Ainsi se posait du premier coup l’espèce de rivalité de Mme de Staël et de M. de Châteaubriand, qui furent, à l’origine, divisés surtout par leurs amis. Fontanes, promoteur et soutien de M. de Châteaubriand, attaquait l’auteur de la Littérature ; dans la Décade, Ginguené, qui devait louer Delphine, s’attaquait au Génie du Christianisme, et ne craignait pas de déclarer que cet ouvrage, si démesurément loué à l’avance, s’était éclipsé en naissant. Mais nous reviendrons au long sur les rapports vrais de ces deux contemporains illustres.

Dans son second extrait ou article, Fontanes venge les Grecs contre l’invasion du genre mélancolique et sombre ; genre particulier à l’esprit du Christianisme, et qui pourtant est très favorable aux progrès de la philosophie moderne. Il paraît que, dans la première édition, Mme de Staël avait écrit cette phrase depuis modifiée « Anacréon est de plusieurs siècles en arrière de la philosophie que comporte son genre. » « Ah ! s’écrie Fontanes, quelle femme,