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REVUE DES DEUX MONDES.

— Je ne veux pas savoir comment vous faites, ne me le dites pas, mais donnez-moi cette rose, et ne mettez pas votre bonnet.

— Vous êtes fou aujourd’hui ! Prenez cette rose : c’est en effet la meilleure que j’aie faite ; je ne pensais pas à vous en la faisant.

André la regarda d’un air boudeur, et vit sur sa figure une petite grimace moqueuse ; il courut après elle, et la saisit au moment où elle lui jetait la porte au nez. Quand il la tint dans ses bras, il fut fort embarrassé, car il n’osait ni l’embrasser, ni la laisser aller. Il vit sur son épaule ses beaux cheveux qu’il baisa.

— Quel être singulier ! dit Geneviève en rougissant : est-ce qu’on a jamais baisé des cheveux ?

xii.

On pense bien qu’André, dans ses nouvelles leçons, ne s’en tint pas à la seule science. Ses regards, l’émotion de sa voix, sa main tremblante en effleurant celle de Geneviève, disaient plus que ses paroles ; peu à peu Geneviève comprit ce langage, et les battemens de son cœur y répondirent en secret. Après lui avoir révélé les lois de l’univers et l’histoire des mondes, il voulut l’initier à la poésie, et par la lecture des plus belles pages, sut la préparer à comprendre Goëthe, son poète favori. Cette éducation fut encore plus rapide que la précédente. Geneviève saisissait à merveille tous les côtés poétiques de la vie. Elle dévorait avec ardeur les livres qu’André prenait pour elle, dans la petite bibliothèque de M. Forez. Elle se relevait souvent la nuit pour y rêver en regardant le ciel. Elle appliquait à son amour et à celui d’André les plus belles pensées de ses poètes chéris ; et cette affection, d’abord paisible et douce, se revêtit bientôt d’un éclat inconnu. Geneviève s’éleva jusqu’à son amant ; mais cette égalité ne fut pas de longue durée. Plus neuve encore et plus forte d’esprit, elle le dépassa bientôt. Elle apprit moins de choses, mais elle lui prouva qu’elle sentait plus vivement que lui ce qu’elle savait ; et André fut pénétré d’admiration et de reconnaissance : il se sentit heureux, bien au-delà de ses espérances. Il vit naître l’enthousiasme dans cette ame virgi-