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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

Londres du Poème des Jardins, on engageait le Virgile français à rompre enfin un exil désormais volontaire, à revoir au plus vite cette France digne de lui ; on lui citait l’exemple de Voltaire qui, réfugié en son temps à Londres, n’avait point prolongé à plaisir une pénible absence. L’apparition du Génie du Christianisme, un an à l’avance pressentie, allait ajouter un éclat incomparable à une restauration déjà si brillante et l’environner de la seule gloire, après tout, qui éclaire pour nous dans le lointain ce qu’autrement on eût oublié.

Mme de Staël, qui sortait de la révolution, qui s’inspirait de la philosophie, qui maltraitait le règne de Louis xiv, et rêvait un idéal d’établissement républicain, devait être considérée alors par tous les hommes de ce camp comme ennemie, comme adversaire. Dès les premières lignes, Fontanes fait preuve d’une critique méticuleuse, peu bienveillante. Il exalte le premier écrit de Mme de Staël consacré à la gloire de Rousseau : « Depuis ce temps, les essais de Mme de Staël ne paraissent pas avoir réuni le même nombre de suffrages. » Il se prend d’abord au système de perfectibilité, il montre Mme de Staël s’exaltant pour la perfection successive et continue de l’esprit humain au milieu des plaintes qu’elle fait sur les peines du cœur et sur la corruption des temps, assez semblable en cela aux philosophes dont parle Voltaire,


Qui criaient tout est bien, d’une voix lamentable.


Il tire grand parti de cette contradiction qui n’est qu’apparente. Les partisans de la perfectibilité, on le conçoit en effet, blâment surtout le présent, ou du moins le poussent, le malmènent ; les incrédules à la perfectibilité sont moins irascibles envers les choses existantes et les acceptent de meilleur cœur, tâchant dans le détail de s’en accommoder. Fontanes, poursuivant cette contradiction piquante, avançait que, toutes les fois que le rêve de la perfectibilité philosophique s’empare des esprits, les empires sont menacés des plus terribles fléaux : « Le docte Varron comptait de son temps deux cent quatre-vingt-huit opinions sur le souverain bien,… du temps de Marius et de Sylla ; c’est un dédommagement que se donne l’esprit humain. » Selon Fontanes qui cite