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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

objets leur côté analogue aux vues les plus relevées de l’esprit, et aux plus nobles sentimens de l’ame[1]. »

Le Conservateur, journal républicain, rédigé par Garat, Chénier et Daunou, publia un jugement de ce dernier, ou du moins une analyse bienveillante, ingénieusement exacte, avec des jugemens insinués plutôt qu’exprimés, selon la manière discrète de ce savant écrivain dont l’autorité avait tant de poids, et qui porte un caractère de perfection sobre en tout ce qu’il écrit. Le Journal des Débats (du 11 messidor an viii) accueillit, en le tronquant toutefois, un article amical de M. Hochet ; mais trois jours après, comme revenu de cette surprise, il publia, sous le titre de Variétés, un article sans signature où Mme de Staël n’est pas nommée, mais où le système de perfectibilité et les désastreuses conséquences qu’on lui suppose, sont vivement et même violemment combattues. « Le Génie qui préside maintenant aux destinées de la France, y est-il dit, est un Génie de sagesse. L’expérience des siècles et celle de la révolution sont devant ses yeux. Il ne s’égare point dans de vaines théories, et n’ambitionne pas la gloire des systèmes ; il sait que les hommes ont toujours été les mêmes, que rien ne peut changer leur nature ; et c’est dans le passé qu’il va puiser des

  1. Nous avons dû chercher quel pouvait être l’auteur anonyme de ces trois remarquables extraits sans initiale ; ils ne sont probablement pas de Ginguené, qui parla plus tard de Delphine dans la Décade, mais dont le style est différent. Il nous avait d’abord semblé que, si Benjamin Constant avait voulu écrire alors sur le livre de la Littérature, il n’aurait guère autrement fait. Mais la seule personne survivante de la Décade, qui fût à même de nous éclairer sur cette particularité de rédaction, le respectable M. Amaury-Duval, nous a affirmé que les extraits n’étaient pas de Benjamin Constant, et il penche à croire qu’ils furent remis au journal par un M. Marigniez, médecin de Montpellier et littérateur à Paris, auteur d’une tragédie de Zoraï dont il est question dans Grimm, homme qui avait plus de mérite réel qu’il n’a laissé de réputation. Comme nous savons d’ailleurs, par un billet de Mme de Staël que nous avons eu sous les yeux, qu’elle était fort contente d’articles de Roussel sur son livre, de Roussel, auteur du livre de la Femme, médecin-littérateur aussi, et compatriote de Marigniez, il nous a paru assez vraisemblable de conjecturer que ces articles de Roussel, que nous n’avons retrouvés nulle part, ne sont autres que ceux de la Décade, et qu’ils avaient pu y être présentés en effet par Marigniez lui-même.