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REVUE. — CHRONIQUE.

dans tous les cas, fera décider un grand nombre d’intelligences encore incertaines.

Sur un seul point, nous eussions désiré des explications plus nettes. M. de La Mennais, homme politique, est aussi homme religieux ; il est prêtre. Ce qu’il a voulu en politique et en religion, le pape l’a condamné. Il persiste dans ses premières opinions, il les résume, les fortifie, les explique ; que pense-t-il alors de la compétence religieuse et politique du Saint-Siége ? Sa conduite, son livre, sa personne, sont une protestation vivante contre l’esprit de la cour de Rome. Des phrases ironiques lui échappent plus d’une fois à ce sujet ; et il dit pourtant (pag. lxxx), à propos de la séparation de l’église et de l’état, proposée par lui, repoussée par le pape : « Maintenant que la hiérarchie a prononcé, nous devons le croire et nous le croyons. » Une page plus loin, il fait remarquer ces paroles du pape, au sujet de la liberté de la presse : « On ne saurait trop la détester. » Or, en dépit de ses convictions constatées, on dirait qu’en cet endroit il se contient et s’impose le silence par une sorte de respect superstitieux en face d’un homme dont il a de loin contredit les principes et infirmé les doctrines. La pensée de M. de La Mennais, sa position comme prêtre, en face du pouvoir ecclésiastique, est claire aux yeux de tous ; mais on aimerait qu’elle fût claire par son aveu.

Si nous nous exprimons avec cette franchise sur un point presque personnel, c’est que nous savons tout ce que la force des idées et la puissance du talent empruntent de crédit à une position hautement constatée, qui va d’elle-même au-devant de l’induction, et échappe, à force de clarté, à ce que la libre interprétation peut avoir d’hostile et d’aveugle.



De l’Allemagne[1]. — Henri Heine fait paraître aujourd’hui même un livre intitulé : de l’Allemagne. Collaborateur d’Heine, notre louange serait suspecte de partialité ; le blâme, s’il y avait lieu à en exprimer, nous serait pénible ; nous laisserons donc à d’autres le soin d’exalter ou d’attaquer ce livre, qui, nous le croyons, excitera de vives sympathies, et donnera lieu certainement aussi à de rudes attaques. Nous nous bornerons donc à quelques réflexions destinées à faciliter au public l’intelligence d’un livre qui se rattache par une filiation directe, quoique partielle, à la Revue des Deux Mondes. Nos lecteurs n’auront pas sans doute oublié, à l’heure qu’il est, les brillans articles de Heine sur l’Allemagne depuis Luther. Ces articles se trouvent reproduits dans la nouvelle publication de Heine ainsi que les articles insérés, il y a quelques années, dans un autre recueil

  1. vol. in-8o, librairie de Renduel.