Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.
249
REVUE. — CHRONIQUE.

missions successives, et qu’en cela il a prodigué nos finances avec une coupable légèreté, il n’a dit que la vérité, et nous ne voyons pas quelles excuses il aurait à faire. Si l’on publiait la véritable liste des acquéreurs de créances américaines, qu’il ne serait pas impossible de procurer, bien d’autres susceptibilités seraient éveillées parmi les puissans et les heureux du jour ; mais, en pareil cas, on ne répond qu’à ceux qu’on inculpe, et les plus étroits degrés de parenté n’autorisent pas à se faire le champion d’un autre : les admettre serait une véritable dérision, et les ministres échapperaient ainsi à la seule responsabilité à laquelle ils n’ont pas encore pu se soustraire.

Quel cousin et quel parent de M. Thiers se présentera pour le défendre des imputations qui lui ont été adressées cette semaine, par plusieurs journaux, au sujet des fonds secrets ? L’un de ces journaux citait, entre autres, un brave général, qui a certainement gagné ses épaulettes sur les champs de bataille, mais qui touche le prix de ses services ailleurs qu’au ministère de la guerre. Il paraît que cet officier-général, dont personne n’attaque d’ailleurs l’esprit et le caractère, recevrait une faible indemnité annuelle de 18,000 francs sur les fonds secrets du ministère de l’intérieur, attribués à l’encouragement des arts, des lettres, des talens de tous genres, et sans doute de la danse aussi. Quelques dénégations s’étant élevées à ce sujet, nous donnerons l’historique de la pension du général. Elle date de la restauration. Alors elle s’élevait à 24,000 francs, qui, joints à un traitement de 15,000 francs, comme pair, et à un traitement de lieutenant-général (c’était avant la loi du cumul), composaient un revenu sortable. Les 24,000 francs s’abîmèrent dans les barricades. Depuis, Casimir Périer se laissa émouvoir, et rendit 6,000 francs au noble pensionné. À la suite d’un dîner au bois de Boulogne, M. d’Argout ajouta 6,000 francs aux 6,000 francs de Casimir Périer, et M. Thiers, ne voulant pas rester en arrière de ses prédécesseurs, porta à 18,000 francs ce mystérieux chapitre. On voit que M. Thiers ne peut pas accepter de la chambre moins que 1,200,000 francs de fonds secrets. Aussi la majorité de la chambre les lui a-t-elle votés avec enthousiasme.

Nous qu’on ne suspectera pas de complaisance et de sympathie pour le ministère, nous parlerons avec franchise des troubles qui ont eu lieu à l’École de médecine, au sujet du cours de M. Hyppolite Royer-Collard. M. Desgenettes, professeur d’hygiène, distrait de ses travaux par ses fonctions de maire du dixième arrondissement, fatigué d’ailleurs par son grand âge, avait demandé un suppléant pour cette année. La faculté nomma M. Royer-Collard, qui a gagné au concours, depuis plusieurs années, le titre de professeur agrégé à l’École de médecine. Malheureu-