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VISITE À LATTAQUIÉ.

cueillir des oranges et des jujubes là où leurs galères se balançaient autrefois sur les eaux. Le tremblement de terre de 1822, en renversant une partie du château construit à l’entrée du port, a encombré de débris cette entrée déjà bien étroite, de sorte qu’à présent les navires au-dessus de trois cents tonneaux ne peuvent s’engager dans le port. Des mains habiles qui nettoieraient le bassin de Lattaquié, pourraient en faire un asile commode et sûr ; mais avant que des mains habiles se mettent à l’œuvre dans ces pays-là, par combien d’évènemens il aura fallu passer !

Après tant de violentes secousses, il ne faut point s’attendre à trouver debout les monumens de l’ancienne Laodicée. Le seul débris remarquable des siècles antiques, c’est un édifice carré, aujourd’hui converti en mosquée, revêtu d’insignes militaires tels que des casques, des boucliers, des gardes d’épée ; les savans ont pensé que cet édifice était un arc de triomphe élevé en l’honneur de Lucius Verus ou de Septime-Sévère. On peut citer aussi les ruines d’une grande église du moyen-âge, des restes de portiques et de colonnades, des chambres sépulcrales taillées dans des rochers voisins de la mer. Il est à présumer que le sol de Lattaquié cache dans son sein des monumens ou d’intéressantes ruines ensevelis à la suite des tremblemens de terre ; les fouilleurs ne creuseraient point en vain dans l’enceinte de la cité, rivale d’Apamée et d’Antioche. Les vestiges circulaires de l’ancienne Laodicée, qu’on peut suivre encore, lui donnent une circonférence de plus d’une lieue et demie. On fait en trois quarts d’heure le tour de la ville nouvelle. Ainsi donc les voyageurs curieux des ruines du passé n’auront pas aujourd’hui beaucoup de choses à admirer à Lattaquié ; mais les amans de la belle nature et des rians paysages y trouveront de quoi satisfaire leur goût. Les oliviers, les mûriers, les palmiers et les orangers, mêlés à toute espèce d’arbustes et de fleurs, répandus sur un sol inégal, dans les vallons et sur les collines, forment un spectacle dont l’œil ne se lasse point ; la côte de Lattaquié est surtout charmante et pittoresque à voir, quand on y arrive par mer.

L’air de ce pays est très sain. En été, les habitans dorment sur des terrasses faites d’étoupes et de chaux, et la fièvre ne les atteint point. Mais la ville est fort mal propre, et les cadavres