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REVUE DES DEUX MONDES.

Dont il fait pour lui seul rayonner l’eau sereine,
Afin d’en éclairer sa veille souterraine ;
Mais savaient-ils les lois, dont la simplicité
Efface, en l’expliquant, cette diversité ;
Et la géométrie, incessamment vivante,
Que pratique, en secret, Dieu, de sa main savante ;
Dieu qui peut tout sans peine, et peut tout à la fois,
Dieu qui fait se grouper par d’immuables lois
Des atomes légers dispersés sous les ondes,
Comme il fait dans les cieux se balancer des mondes.
Sur ces hauteurs, mon père, où tu m’as emporté,
Je sais qu’il est encor plus d’une vérité ;
D’ici je crois sentir la force universelle[1]
Dont le foyer est Dieu, dont l’homme est l’étincelle,
La force que jamais il n’eût pu concevoir
S’il ne la sentait vivre en son libre pouvoir,
Qui ne s’absorbe pas dans l’inerte matière,
Mais s’y joint et la meut sans cesser d’être entière ;
La force enfin d’où naît cet autre étonnement
De l’homme qui le voit partout, le mouvement ;
Oui, partout et sans cesse, à nos pieds, sur nos têtes,
Et non pas seulement dans le vent des tempêtes,
Dans le torrent qui tombe ou dans l’aigle qui fuit,
Dans la foudre qui vole en sillonnant la nuit,
Mais dans le lent effort du glacier qui s’affaisse,
Du rocher que le temps travaille, et qu’il abaisse.
Partout, ô mouvement ! je te sens, je te vois…
Sans doute il serait beau de dévoiler tes lois,
Tour à tour de te peindre, errant, captif ou libre,
Produisant le repos enfin par l’équilibre ;
Mais pour ces grands objets, impalpables aux sens,
Je ne trouverais plus que de vagues accens ;
La muse se fatigue à ces hauteurs sublimes,
Ses beaux pieds sont meurtris et saignent sur leurs cimes ;
Un vertige me prend, tout se trouble à mes yeux ;

  1. La mécanique, science des forces et des mouvements.