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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

moderne pénètre en tout lieu ; on ne se dérobe point à son influence ainsi qu’au torrent des barbares ; l’homme court au-devant de ce souffle, et l’aspire comme un fluide régénérateur. Partout l’uniformité du costume devient le signe de l’uniformité des idées. Avant un siècle, toute la famille européenne sera confondue sous le niveau des mêmes habitudes et des mêmes lois. Quand cette nécessité providentielle sera accomplie, les peintres d’alors seront réduits à se créer une individualité factice, à chercher en eux-mêmes les sources d’une inspiration intime, et à ne plus espérer qu’en leurs propres ressources pour produire le beau dans l’art. Mais tant qu’il y aura hors de la société des modèles purs et entiers, la prétention de se suffire à soi-même ne produira que des œuvres incomplètes et boîteuses, et qui pâliront devant l’étude de la nature.

Il y a dix ans, les hommes qui dominaient la peinture avaient tellement exagéré l’importance des procédés mécaniques de l’art, que la poésie pittoresque semblait morte sans retour. Quelques artistes de talent, méconnaissant la mesure de leurs forces, ont cru qu’on pouvait faire de la peinture comme le Créateur a produit la lumière, d’un souffle, d’un mot. Dans le péril que de tels hommes faisaient courir à la partie positive de l’art, il a fallu réclamer à la fois, contre ces hommes et contre leurs devanciers, l’application des principes du bon sens ; on a dû protéger en même temps les efforts souvent incertains et toujours pénibles des hommes dans lesquels repose le germe du renouvellement, contre les séductions ou les succès de la routine et de l’adresse. Ce but paraît atteint ; l’école est entrée dans une voie plus large et plus tolérante qu’à aucune autre époque. Mais l’art nouveau n’est pas encore trouvé ; le bloc est à peine équarri ; pour fouiller le marbre, pour atteindre la vraie beauté, la beauté durable, il faut un ciseau patient, un style pur, une forme précise et sévère.

Trois chemins sont ouverts : se replier sur soi-même, se fier à ses forces comme Dédale et Prométhée ; ou bien suivre pas à pas les maîtres, prendre pour guide l’empreinte qu’ils ont laissée, et s’inspirer de leurs ouvrages ; ou bien enfin étudier directement la nature, source unique et féconde où ils ont puisé. Ce dernier parti est, selon nous, le meilleur de tous. Dans le partage des difficultés qu’impose l’exécution de ce plan, le lot des paysagistes est bien