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inconvénient, c’est de supprimer tout l’air et toute l’humidité de la nature. M. Cabat deviendra certainement un grand peintre de paysage quand il prendra la résolution de voir avec ses yeux.

Je n’ai jamais dissimulé ma sympathie pour les hommes qui, dans l’art, se défient des séductions de la facilité. M. Marilhat, tout au contraire, s’était annoncé au dernier salon avec une manière résolue qui laissait craindre l’envahissement prochain de la peinture de convention. Cette année, sans rien perdre de sa confiance en lui-même, M. Marilhat nous révèle un incontestable progrès. Il serait difficile de trouver des plantes mieux dessinées, des lignes plus noblement comprises, des premiers plans mieux ajustés, une couleur plus chaude, une plus belle conduite de pinceau que dans son Paysage composé des environs de Rosette. Cet ouvrage produit d’autant plus d’impression que le public est moins à même de comparer le site avec la nature modèle. Nous devons l’avouer, notre témoignage particulier n’est pas entièrement favorable à M. Marilhat ; la nature du Delta nous paraît ici agrandie et arrangée par un procédé intermédiaire entre celui de Cassas et celui de M. de Forbin. La petite Vue de Fouah est bien autrement vraie, et peut servir à contrôler l’exactitude du paysage de Rosette. M. Marilhat a trop de positif dans le talent, pour ne pas redouter l’application du proverbe : A beau mentir qui vient de loin.

Nous ne sommes plus d’ailleurs dans le temps où, de bonne foi et sans prétention aucune, M. J.-V. Bertin pouvait impunément intituler un paysage : Site de Messénie, sans avoir approché de cent lieues les côtes de la Messénie. M. J.-V. Bertin est la meilleure preuve peut-être de l’obligation qu’a le peintre de faire parler le paysage. Depuis l’apparition de ses premiers tableaux, il a vu se renouveler à plusieurs reprises la face de l’école ; à la vogue de Watelet a succédé la vogue de Michalon ; il semble que M. J.-V. Bertin, médiocre imitateur de la nature, dessinateur timide et coloriste froid, moins vrai dans ses études que M. Bidauld, inférieur à Chauvin comme harmonie, et à M. Boguet comme précision de formes, il semble qu’un tel peintre n’aurait pu résister au premier choc ; et pourtant vous le voyez encore debout, vous ne pouvez vous défendre d’une impression agréable en étu-