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il ne conquerra pas du premier coup l’unanimité des suffrages ; l’esprit de notre époque ne veut pas même qu’un succès unanime se déclare pour personne. Mais si l’homme dont nous parlons possède une seule des qualités de l’art, il rencontrera aussitôt de la sympathie dans une portion du public ; il trouvera dans cette critique, dont on dit tant de mal, un avocat et un répondant. Heureux seulement cet homme s’il arrive jusqu’au public, s’il obtient la permission d’être jugé ! Et remarquez qu’ici nous ne nous faisons pas l’écho d’amours-propres blessés, de médiocrités soulevées par de légitimes refus. Il nous a suffi de recueillir un à un les faits signalés depuis trois ans pour nous faire une idée très exacte et probablement très impartiale de la direction que suit le jury d’admission dans ses jugemens. Ce serait une puérilité que de supposer une intention malveillante contre qui que ce soit dans une réunion d’hommes où des vues personnelles n’obtiendraient en aucun cas la majorité des suffrages. Ce qui nous semble au contraire évident et parfaitement conforme à la nature des choses, c’est que cette indépendance d’opinion, qui s’est établie dans le public, n’ait point encore trouvé place dans le jury de peinture. Là on laisse, comme par le passé, une grande part à l’habitude dans les jugemens ; on n’a pas pris son parti sur ces soufflets que l’aspect insolite de certains ouvrages donne à la première vue ; on n’aime point à être troublé par des difficultés d’interprétation dans une opération qui se passe gravement et paisiblement ; on sourit avec indulgence à la médiocrité innocente et soumise ; on se cabre contre le talent qui cherche et qui la plupart du temps n’a pas encore trouvé.

La sévérité du jury d’admission, d’autant plus frappante qu’elle s’allie à la plus inconcevable faiblesse, n’a pas seulement l’inconvénient de décourager ceux qui, presque toujours, le méritent le moins ; elle rend incomplet le travail de la critique ; en retranchant de l’exposition ce qui semble au jury porter un cachet d’extravagance, elle nous empêche d’apprécier l’intensité de la fluctuation d’idées et de manières qui existe dans l’art, de mesurer, en quelque sorte, les points extrêmes de l’oscillation du pendule ! car enfin, pour qu’on refuse des tableaux de M. Tony Johannot, de M. Delaberge, de M. Dauzats, il faut bien croire qu’il a passé quelque étrange folie par la tête de ces artistes, que M. Johannot a repré-