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ALGER.

non sur les exigences très limitées de la police intérieure, mais sur le besoin d’instruire et d’exercer le nombre de combattans nécessaires pour former, en cas de guerre, le fonds de l’armée : si cette instruction s’acquiert mieux en Afrique que dans les garnisons de nos places, le séjour de nos troupes n’y est pas tout-à-fait perdu. Les considérations d’économie ne s’appliquent donc guère au temps de paix, c’est-à-dire, dans l’état actuel de l’Europe, à neuf années au moins sur dix. Quant aux temps de guerre, notre établissement en Afrique fournit à plusieurs puissances, et notamment à l’Espagne et à l’Italie, de nouvelles raisons de tenir à notre amitié : peu de mots suffiront à montrer que, sous ce point de vue, les dépenses militaires que nous ferions à Alger sont de celles qui éloignent la guerre ou préparent la paix.

De 1509 à 1708 et de 1732 à 1792, l’Espagne a dépensé à Oran des sommes énormes en fortifications, et, malgré le peu de parti qu’elle a su tirer de cette possession, ce n’est pas sans raison qu’elle y attachait un si grand prix. En effet, ce port est à quarante lieues de Carthagène ; c’est la meilleure station du cap Bon à l’Océan ; des rades de Mers et Kebir et d’Arzew, on peut se porter, en une journée, sur les côtes d’Andalousie et de Murcie et intercepter, aussi bien que de Gibraltar, le cabotage espagnol. Si l’Espagne nous était hostile, les inquiétudes que nous lui donnerions d’Oran retiendraient, pour la défense de ses provinces méridionales, une partie des forces qu’elle serait tentée de porter sur les Pyrénées[1]. D’un autre côté, quand le commerce aura repris son cours dans le beylick d’Oran, le plus riche de la régence, cette ville et Arzew seront les principaux marchés entre l’Afrique et la Péninsule ; celle-ci sera attentive à ne point compromettre les avantages qu’elle en retirera, et toute nouvelle garantie, ajoutée à notre sécurité du côté de l’Espagne, rend une partie de nos troupes disponibles pour la défense de nos frontières du Nord et de l’Est.

  1. Il est difficile de présenter des considérations nouvelles sur les intérêts qui doivent nous faire tenir à l’Afrique. Celles qui se rattachent à notre position vis-à-vis de l’Espagne ont été le motif des alliances que François Ier et Henri ii contractèrent, contre Charles-Quint et Philippe ii, avec Khayr-Eddin et son fils Hassan, second et troisième deys d’Alger.