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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

certains feuilletons allemands. Les lieux communs de la fausse profondeur et la pénible technologie y sont tous réunis de la manière la plus grotesque. C’est l’encyclopédie de la sottise gourmée. Nous ignorons jusqu’à quel point cette excellente satire a pu réussir chez les compatriotes de l’auteur : car la brave Allemagne a la bonté de respecter la science jusque dans les pédans, et ne se rend pas volontiers complice de leur immolation. Pour nous, nous le répétons, nous ne craignons qu’une chose, c’est que ce nouvel exemple ne trouve des imitateurs, et l’on ne sait nulle part autant qu’en France combien est insupportable la tourbe des auteurs spirituels.


Der Geæchtete (le Proscrit), recueil mensuel, rédigé par Venedey, avec la coopération de plusieurs Allemands amis du peuple[1].

Les écrivains allemands que les malheurs de leur patrie ont jetés chez nous, emploient noblement les loisirs que leur a faits la proscription. En approuvant un digne emploi de leurs facultés, nous ne voulons pas dire que nous sympathisions avec toutes les doctrines exposées dans les cahiers que nous avons sous les yeux. La diversité de celles qui s’y produisent et se combattent quelquefois, ne permettrait déjà pas cette adhésion absolue de notre part, mais nous voulons dire, parce que nous le croyons, que les rédacteurs ont mis un talent incontestable au service de leurs convictions. Toute conviction, quelle qu’elle soit, par cela qu’elle se produit comme telle, comme désintéressée, est respectable pour nous, même lorsqu’elle heurte notre opinion. D’ailleurs, entre hommes qui veulent le bien, quoique par des moyens différens, il y a toujours un point de contact : entre nous et les patriotes allemands, la question principale est celle de l’opportunité. Cette question établit aussi une différence entre M. Venedey et M. Schuster. Celui-ci, dont on ne pourra dire que les idées sont rétrogrades, puisqu’il veut pour base d’un nouvel état de société l’abolition absolue de la richesse, prétend qu’une révolution allemande ne produirait aujourd’hui que des ruines, ou tout au moins des mécomptes. Sans vouloir discuter sa théorie sociale qui ne nous regarde en rien, car une antipathie isolée d’un système de prédilection n’est pas discutable, nous sommes de son avis, quant à l’opportunité. Les rédacteurs ordinaires du Proscrit semblent, au contraire, voir dans une révolution immédiate en Allemagne, le seul remède à tous ses maux. En attendant cet évènement, ils ont exposé déjà des vues et des théories sociales, dont plusieurs sont remarquables par ce mélange d’imagination aventu-

  1. On s’abonne rue de Richelieu, 65.