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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

Sophocle, l’idée religieuse ou politique une fois posée, toutes les poésies qui la révèlent prennent le nom qui désigne ce caractère, quoique les auteurs puissent être différens. Il croit que Lycurgue contribua plus qu’un autre à répandre en Grèce les poésies homériques qui étaient l’expression de son système politique. Lycurgue au moins les introduisit à Sparte comme le corrélatif nécessaire de ses nouvelles institutions. Les Pisistratides, soutenus par les Lacédémoniens, firent enseigner à Athènes l’homérisme qu’ils considéraient comme une apologie poétique et religieuse du système monarchique. Il y a donc lieu de croire que des interpolations et des falsifications ont dû être faites dans ces poésies au profit d’un système et de quelques hommes. Périclès et les aristocrates furent partisans de l’homérisme, par les mêmes raisons que Lycurgue et Pisistrate. Platon, au contraire, et les philosophes dévoués comme lui à l’orphéisme, sont les adversaires du sens des poésies homériques. Le principe d’harmonie de l’orphéisme était l’amour, tandis que celui de l’homérisme, dans l’Iliade, était l’opposition et le combat, enfin l’expression de l’héracléisme, qui n’est que l’ordre établi par le combat et par la victoire. Les tragiques grecs, dont les idées de fatalité et de nécessité dominaient les conceptions, étaient et devaient être homériques. L’Odyssée est plus orphéique, et n’est pas du même auteur, ni du même siècle que l’Iliade.

Je ne pousserai pas plus loin cette analyse, d’abord parce que le cadre et l’objet de cette Revue ne permettraient pas de longs développemens, et qu’un pareil travail doit être compris avec l’ensemble des citations et des argumens qui le soutiennent. Et puis j’ai hâte de déclarer que je suis doublement incompétent. Je dois avouer, malheureusement pour moi, que les travaux immenses entrepris depuis soixante ans en Allemagne, et en Europe à l’imitation de l’Allemagne, pour arriver à l’intelligence de l’antiquité par l’explication de ses mythes et de ses symboles, m’ont trouvé quelquefois sceptique, et que j’ai naturellement négligé de suivre avec une attention soutenue tout ce qui s’est fait à cet égard ; mais, tout en regrettant que des trésors d’imagination et de poésie aient été ainsi dépensés et enfouis de nos jours sous les décombres du passé, je ne puis que rendre justice et payer ma part de respect aux hommes qui ont su construire d’aussi ingénieux édifices avec des matériaux si peu solides. D’ailleurs, si les querelles et les contradictions des docteurs m’ont rendu un peu incrédule, je comprends très bien leur vocation, et serai trop heureux de leur offrir mon assistance, quelque faible qu’elle soit. C’est la raison qui me fait signaler aux savans français l’ouvrage du docteur Heinecke dont je ne puis me dispenser de citer la conclusion :

« Ces observations doivent éclairer suffisamment le caractère des mythes