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encore sourdement au milieu des embrassemens dans lesquels on s’étouffe. C’est une fièvre périodique qui reparaîtra à son époque ; on pourrait même, au besoin, indiquer le jour de l’accès.

L’histoire de la crise ministérielle a deux faces : l’une toute d’intrigues, de mouvemens personnels, d’agitations sourdes, d’ambitions politiques ; l’autre, plus sérieuse, plus élevée, car elle embrasse le principe même du gouvernement. Quelques esprits superficiels peuvent bien ne voir dans ce qui se passe qu’un fastidieux tableau de roueries politiques, une lutte entre les différentes coteries des salons et du parlement ; mais ceux qui envisagent notre situation sous un aspect plus sérieux, ne peuvent méconnaître le conflit de deux principes, le principe royal et le principe parlementaire, un choc bien prévu entre la couronne et la chambre. Cette vieille querelle doit se vider ; tant qu’elle sera en litige, la société éprouvera un malaise, et toutes les solutions auxquelles on aura recours, ne seront que des ajournemens.

Un fait digne de remarque, c’est que cette lutte a lieu non-seulement en France, mais dans tous les états de l’Europe où se montre le système représentatif. Est-ce à dire que ce système est mauvais, et qu’il a fait son temps ? cette transaction entre les pensées monarchiques et républicaines serait-elle impossible à réaliser ? L’union tentée d’une royauté irresponsable et de la souveraineté parlementaire doit-elle se terminer par un divorce ? Marcherions-nous à la monarchie absolue ou à la souveraineté populaire dans sa plénitude ?

Voyez les secousses qui agitent la France et l’Angleterre, les deux pays où l’on a voulu réaliser le système représentatif dans sa plus large et plus sincère expression. Il est constant que les deux peuples n’en peuvent plus d’une situation qui met en question tous les intérêts privés, toutes les transactions d’avenir ; le pouvoir perd sa force, l’administration son influence et sa dignité. Quelle considération peut désormais inspirer un magistrat, un fonctionnaire inférieur au milieu de ces bouleversemens de l’autorité centrale ? En France, le roi veut régner, gouverner et administrer ; il a la conviction de sa capacité ; il veut la mettre en œuvre ; c’est l’ambition de tout esprit profondément pénétré d’une mission politique ; mais c’est aussi l’obstacle le plus absolu au régime représentatif, car ce régime se fonde sur la responsabilité ministérielle. D’un autre côté, le pays et une grande fraction dans le parlement veulent arracher à la royauté le gouvernement et l’administration ; telle est aussi la mission qu’ils se sont donnée, et tant que cette question ne sera pas résolue, il y aura suspension de pouvoir à certains intervalles, et nécessité de le renouveler.

Venons aux faits qui résultent de cette situation.