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fait place à la blouse du simple cultivateur. Une rente de dix mille florins, alloués à vie par le congrès, forment à cette heure la liste civile du quasi-monarque déchu.

C’est bien à tort que l’on s’est escrimé à critiquer l’administration du régent. Le bonhomme avait spirituellement compris sa position. Le régent, disait-il, le régent régente et ne gouverne pas. Fidèle à cette maxime, il changea son ministère quand il eut cessé de rallier la majorité, et cependant plusieurs membres de ce ministère étaient ses amis personnels. Il leur donna pour successeur M. Lebeau, qu’il détestait cordialement, mais que l’opinion de la majorité portait à la tête des affaires. Les pillages du mois de mars 1831 eurent lieu pendant l’interrègne ministériel. Le défaut d’organisation militaire, qui fut si funeste à la Belgique, ne doit donc être imputé qu’au congrès, qui parlait toujours au lieu d’agir, et qui se refusait à l’introduction de capacités étrangères dans une armée neuve et sans expérience.

Le premier ministère du régent mit en relief trois hommes qui eurent une grande influence sur la plus difficile de toutes les questions belges, la question diplomatique, de laquelle dépendait, on peut le dire, tout l’avenir du pays. Parmi ces hommes, les deux premiers soutinrent brillamment leur réputation, soit à la tribune, soit par des publications politiques ; le dernier s’éclipsa presque entièrement dès qu’il cessa de prendre une part directe au gouvernement. Ce triumvirat était formé de MM. Lebeau, Nothomb et Devaux. Tous trois avaient fait leurs premières armes contre le gouvernement hollandais dans la presse libérale ; tous trois appartenaient, par leur âge et par la direction de leurs idées, au parti qui combattait pour l’émancipation du siècle.

M. Lebeau, qui a long-temps été aux yeux de l’Europe la personnification vivante des doctrines du cabinet belge, ne doit qu’à un hasard de position les deux tiers de la renommée qu’il s’est acquise. En bonne justice, ces deux parts devraient revenir à MM. Nothomb et Devaux, qui l’aidèrent avec tant de succès, le premier comme membre du comité diplomatique d’abord, et ensuite comme commissaire auprès de la conférence de Londres, et le second comme ministre d’état et comme défenseur du traité des dix-huit articles devant la représentation nationale.