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l’Escaut, tandis que M. Goblet courrait s’emparer des deux rivières qui coulent entre Anvers et Malines.

Le roi partit le 4 pour Anvers. M. de Brouckère, ministre de l’intérieur, revêtit son ancien uniforme de colonel d’artillerie, et lui servit d’aide-de-camp. Cependant on reçut au quartier-général la nouvelle de la défaite du général Daine, et ce fut encore M. de Brouckère que l’on chargea de ramener sur Louvain le corps d’armée qui se trouvait dans la province de Liége. En vingt-quatre heures, le ministre de l’intérieur eut réorganisé ses troupes, et les eut pourvues d’armes et d’habillemens. Quand il arriva sur le lieu de l’action, à la tête de dix mille hommes, la capitulation était signée.

De retour à Bruxelles, M. de Brouckère, cédant aux instances de ses amis, consentit à se charger du portefeuille de la guerre. C’était une tâche immense qu’il entreprenait, et si périlleuse, que personne ne voulait en accepter le poids. Il s’agissait, non-seulement de reconstituer une armée, mais de rompre en visière au déchaînement de toutes les ambitions, et de se défendre à la fois contre les petites conspirations de cour et contre les grandes injustices populaires. Le nouveau ministre de la guerre réunit et équipa en quelques mois quatre-vingt mille hommes, prêts à entrer en campagne. Pour le récompenser de son repos sacrifié, de sa santé perdue dans les veilles et le travail, pour couronne civique enfin, on l’accusa d’avoir laissé dilapider les deniers de l’état.

La diplomatie, pendant ce temps, ne cessait non plus de travailler au renversement de M. Charles de Brouckère, qui ne promettait pas de toujours plier aux exigences de sir Robert Adair et aux complaisances que demandait M. Sébastiani. Les ministres eux-mêmes jugèrent à propos de ne point soutenir leur collègue dans les débats du budget de la guerre, et on alla jusqu’à lui chicaner une allocation de cinq cents florins pour le fourrage de ses chevaux. Outré de tant de persécutions mesquines et offensantes, M. de Brouckère se retira du ministère, et dès-lors le roi, qui lui avait donné tant de marques de bienveillance et d’intérêt, cessa de le considérer comme un ami.

Un commérage de famille, parti du château des Tuileries, acheva d’éloigner M. de Brouckère de toute participation aux affaires publiques. Lorsque le roi Léopold quitta Bruxelles, pour aller épou-