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HOMMES POLITIQUES DE LA BELGIQUE.

Soit ignorance, soit mauvais vouloir, presque tous les publicistes se sont obstinés jusqu’ici à nier l’importance de cette création. À peine ont-ils consenti à tracer sur la carte politique le contour de ce petit état, comme on indique un îlot désert qu’un volcan fait surgir au milieu de l’Océan. Un pays dont l’industrie agricole sert encore de modèle à l’Angleterre, un pays dont la concurrence manufacturière fait trembler des royaumes qui ont huit fois sa surface et sa population, un pays qui peut mettre cent vingt mille hommes sous les armes, doit pourtant peser quelque chose dans la balance européenne. Sous ce rapport il mérite qu’on s’occupe de lui.

Une étude complète du pays serait longue, et il faudrait des volumes pour l’examiner sous toutes les faces. Je ne me propose dans ces pages que de toucher divers points ignorés qui se rattachent immédiatement à mon sujet, c’est-à-dire qui peuvent servir à faire connaître les principaux acteurs du drame politique dont la Belgique a été le théâtre depuis 1830. Presque tous sont des hommes nouveaux, et peu de chose a transpiré de leurs actes antérieurs. Il n’existe pas même un ouvrage où l’on ait apprécié la part qui revient à chacun d’eux dans la manipulation des affaires depuis quatre années. Une biographie des hommes politiques de la Belgique est donc un document qui manque à notre histoire contemporaine : c’est une lacune que je vais essayer de remplir.

Ce n’est pas, comme on pourrait le croire, la question de dynastie qui divise les partis en Belgique. La querelle des maisons de Nassau et de Saxe-Cobourg n’arrive que comme auxiliaire dans la grande bataille des opinions. La célèbre Union des catholiques et des libéraux qui refoula le roi Guillaume sur le territoire hollandais, ressemblait à ces armes indiennes qui contiennent deux épées dans le même fourreau. Chacun des principes vainqueurs a tiré la sienne ; et le duel recommence. À qui le champ restera-t-il des libéraux ou des catholiques ? C’est là la question du moment. Plus tard un autre duel se présentera, celui des communes contre les principes d’unité gouvernementale, c’est-à-dire contre la royauté. C’est là la question de l’avenir. Cependant, comme nous le verrons plus loin, la question n’est pas encore là tout entière.