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ANDRÉ.

soumission attentive et la curiosité confiante de Geneviève, André fut frappé du bon sens et de la netteté de ses idées. Elle comprenait rapidement ; il y avait des instans où André, transporté, lui croyait des facultés extraordinaires, et d’autres où il croyait parler à un enfant. Quand ils furent arrivés aux premières maisons de la ville, Henriette descendit de voiture, et dit qu’elle se chargeait de reconduire Geneviève chez elle. André n’osa pas aller plus loin ; il prit congé d’elle, et, se dérobant aux instances de Joseph qui voulait l’emmener boire du punch, il reprit légèrement le chemin de son castel. Tout ce qu’il désirait désormais, c’était de se trouver seul et de n’être pas distrait de ses pensées. Elles se pressaient tellement dans son cerveau, qu’il s’assit bientôt sur le bord du chemin, et posant son front dans ses mains, il resta ainsi, jusqu’à ce que le froid de la nuit le saisit et l’avertit de reprendre sa marche.

viii.

Le lendemain, lorsque André se retrouva seul dans son grand verger, il s’était passé bien des choses dans sa tête, mais il avait trouvé une solution à sa plus grande incertitude, et il éprouvait une joie et une impatience tumultueuses. Il s’était demandé bien des fois, depuis douze heures, si Geneviève était un ange du ciel, exilé sur une terre ingrate et pauvre, ou si elle était simplement une grisette plus décente et plus jolie que les autres. Cependant il n’avait pu réprimer une émotion tendre et presque paternelle, lorsqu’elle lui avait naïvement demandé de l’instruire. Cet aveu paisible de son ignorance, ce désir d’apprendre, cette facilité de compréhension, devaient lui gagner le cœur d’un homme simple et bon comme elle. Il y avait, sous cette inculte végétation, une terre riche et fertile où la parole divine pourrait germer et fructifier. Une ame sympathique, une voix amie pouvait développer cette noble nature et la révéler à elle-même. Telle fut la conclusion que tira André de toutes ces rêveries, et il se sentit transporté d’enthousiasme à l’idée de devenir le Prométhée de cette précieuse argile. Il bénit le ciel qui lui avait accordé