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pereur Nicolas n’était-il pas bientôt de la famille ? Cependant, lorsqu’après avoir si bien secondé sa plus chère ambition, on reprit aux Tuileries avec M. Pozzo di Borgo le chapitre du mariage, l’ambassadeur fut d’avis qu’en l’état des esprits les gouvernemens se liaient surtout par des intérêts communs ; que les alliances de maison à maison n’étaient plus que secondaires dans le mouvement politique ; d’ailleurs il croyait que le czar serait toujours honoré des propositions qui lui seraient faites par un prince issu de l’antique race des Bourbons. Nonobstant cette cruelle déception, on ne se fâcha pas aux Tuileries ; M. Pozzo di Borgo continua d’être le bien venu. Le maréchal Maison fut envoyé à Saint-Pétersbourg sur ses instances, parce que le maréchal avait connu, en 1814, à Paris, le czar Nicolas, alors simple grand-duc.

Comme la guerre d’Orient finissait, l’ambassadeur reçut mission d’aller à Londres pour juger, par lui-même, de la véritable situation des affaires. Après avoir empêché la France de prendre parti contre la Russie, il s’agissait de sonder le parti tory, et de savoir quels seraient ses desseins, si le mouvement de l’opinion et la volonté royale le portaient encore au pouvoir. L’ambassadeur officiel de la Russie à Londres était alors le prince de Liéven, ou plutôt, sous son nom, la princesse de Liéven. M. Pozzo vit peu les hommes politiques du parti whig. Il n’eut de fréquens rapports qu’avec le duc de Wellington et le comte d’Aberdeen, qui tenaient alors le portefeuille des affaires étrangères pour le parti tory, car ce parti, en dehors du cabinet, avait ses ministres officiels. Les conversations de M. Pozzo avec le duc de Wellington furent un échange de souvenirs et d’espérances. Ils s’entretinrent des probabilités de l’avènement des tories ; on y songeait déjà, quoique l’esprit public fût alors vivement animé contre une première tentative que le duc de Wellington avait faite pour reprendre le ministère. Le voyage de M. Pozzo n’eut point de résultats effectifs ; car, peu de mois après, fut conclu le traité de la quadruple alliance, qui rapprochait si intimement la France du cabinet whig.

De retour à Paris, M. Pozzo se tint avec la cour des Tuileries sur un pied de politesse froide. Il ne prévoyait point le coup qui l’a frappé dans sa position d’ambassadeur ; et sans une lettre récente de M. de Nesselrode, il aurait eu peine à en pénétrer les motifs. Jusqu’ici, dans les missions qu’on avait données à M. Pozzo en dehors de ses fonctions officielles à Paris, il avait toujours conservé ce titre d’ambassadeur auprès de la cour de France, qu’il préférait à tout autre. Quand il était allé à Madrid en 1825, à Londres dix ans plus tard, son souverain ne lui avait point retiré ses lettres de créance. Pourquoi le faisait-on maintenant ambassadeur auprès du roi d’Angleterre ? C’est qu’il était urgent