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ne sais combien de systèmes contradictoires et d’une application difficile. Elle constitua législativement un grand désordre. L’assemblée qui lui succéda fut la Législative. Charles Pozzo di Borgo en fut nommé membre par le corps électoral d’Ajaccio.

Voici donc que nous allons suivre les premiers pas du jeune Corse sur le terrain des affaires générales. C’était à une étrange école que venait s’instruire le futur agent de la sainte-alliance. Un fait curieux, c’est que, arrivant à l’Assemblée législative, l’homme qui se devait dévouer tout entier à la science de la diplomatie, — science dont la principale base est le religieux ménagement des opinions, — se trouva d’abord classé dans le comité diplomatique sous la présidence de Brissot.

Si l’on se reporte aux séances de ce comité, si l’on considère quels principes de droit public furent posés, on peut imaginer quelle éducation reçut le député d’Ajaccio. La politique étrangère du comité était neuve vraiment. Les chancelleries n’y avaient pas été habituées. C’est que la liberté romaine était à l’ordre du jour. On traitait les rois du haut de la grandeur populaire.

Tout cela aurait eu sa dignité peut-être, si la victoire avait soutenu la pompe du langage. Mais l’Assemblée législative n’avait pas cette force salutaire dont la Convention s’arma plus tard dans le comité de salut public. Assemblée à la fois timide et audacieuse, inerte et violente, elle sapait la royauté, et elle n’avait pas le courage de la renverser ; elle adorait la république, et elle n’osait l’introniser.

M. Pozzo di Borgo ne parut que fort rarement à la tribune. Il y apporta cette phraséologie du temps, ce ton déclamatoire qui caractérisa les éloquences subalternes de la révolution. J’ai recueilli quelques fragmens de la harangue que prononça M. Pozzo di Borgo le 16 juillet 1792. Deux partis poussaient alors à la guerre contre l’Europe : la cour, qui comptait y trouver le moyen d’investir Louis xvi de la dictature militaire ; la Gironde, qui espérait qu’une grande commotion nationale enfanterait la république. Le député corse fut l’expression du comité diplomatique qui conseillait la guerre.

« La confédération germanique, dit-il, dont l’indépendance est naturellement garantie par la France, qui seule la peut préserver de l’immortelle ambition de l’Autriche, a vu avec joie une ligue formidable se former pour détruire votre constitution. Déjà les armées ennemies ont inondé l’Allemagne. La ligue du nord prescrit à l’Europe entière une servitude générale, et montre de toutes parts un front menaçant, forte qu’elle est de ses soldats mercenaires couverts de fer et avides d’or. Toutes les usurpations lui deviendront faciles. C’est aux Français de sauver le monde de ce