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CORNILLE BART ET LE RENARD DE MER.

de M. le prince, voire même de la splendide étole de M. le curé de la paroisse, pour orner sa galère, lorsque le bruit du sifflet de son maître vint l’arracher à ces sacrilèges et diaboliques tentations.

Sauret se leva donc précipitamment, ouvrit une portière de lourde tapisserie à dessins bariolés de jaune et de rouge, et se trouva dans la chambre de Cornille Bart.

Les murs de cet appartement, à solives brunes et saillantes, étaient couverts d’un épais cuir d’Espagne, sur lequel on voyait encore çà et là quelques traces d’une ancienne dorure. Au fond de cette vaste pièce s’élevait un lit large et massif, et quatre colonnettes de noyer noirci par le temps en soutenaient le dais et les rideaux, faits d’une tapisserie pareille à celle de la portière.

Quelques grandes chaises de même étoffe, deux bahuts en ébène sculpté, surmontés de quelques grands vases du Japon, blancs et bleus, complétaient l’ameublement de cette chambre, carrelée de dalles de faïence de diverses couleurs, et faiblement éclairée par une seule fenêtre haute, longue et étroite, dont les petits carreaux en losanges étaient encadrés dans un grillage de plomb.

Les rayons du soleil à son déclin, traversant l’épaisse verdure des lierres et des houblons qui ombrageaient en dehors l’ogive de cette fenêtre, faisait étinceler ses vitraux, d’où jaillissait une large zone de lumière dorée, tandis que les autres parties de la salle restaient dans cette obscurité si chère aux peintres de l’école de Rembrandt.

Assis sur le lit était maître Cornille Bart, homme d’une grande taille, à cheveux blancs et à moustache encore blonde ; mais son visage ouvert et fortement dessiné paraissait abattu par la souffrance. Ce capitaine était enveloppé d’un grand surtout d’étamine brune, et appuyait sa tête pâle et amaigrie sur l’épaule d’une femme d’environ quarante ans, vêtue d’une robe de laine noire à long corsage, d’une fraise blanche empesée, et d’une espèce de béguin de velours noir.

Aux pieds du blessé s’agenouillait un enfant dont on ne voyait que les longs cheveux blonds.

Cette femme était Catherine Janssen, épouse de maître Cornille Bart ; cet enfant était leur fils, Jean Bart.