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CHANTS DE L’ITALIE.

faudrait une grande habitude musicale pour leur improviser une seconde partie. C’est à peine si la nature riche et pittoresque de l’Italie fournirait autant d’exercice au pinceau d’un peintre, que ces chants, avec leurs modulations extraordinaires, en pourraient offrir à l’étude des musiciens, tant sous le rapport de la beauté de la mélodie et de la richesse harmonique, que sous celui de l’originalité du rhythme.

Mais, je le sais, les musiciens en général ne sont pas hommes à daigner puiser leur science dans les inspirations populaires, heureux s’ils ont réussi à trouver le fil qui doit les guider dans le dédale d’un traité d’harmonie aussi obscur qu’embrouillé, et s’ils ont appris à tracer quelques exemples mathématiques du simple ou du double contre-point. Possesseur d’un tel savoir, comment en effet s’occuper encore de ce peuple si rustique, de cette poésie populaire dont la langue est si rude, de ces chants enfin, dont les paroles ne sont pas plus arrangées selon les règles de la prosodie, que la musique selon les règles prescrites par les savans traités d’harmonie ? Et comme elle leur paraît aride, l’ame humaine, à ces savans ! comme il leur paraît vide, le cœur d’un enfant ou d’un homme du peuple ! C’est qu’ils ignorent que, pour donner de la vie à de telles ames, il faut des chants qui y demeurent gravés, des chants qui les excitent à la vertu, qui les consolent dans la douleur, qui animent leurs plaisirs dans les jours de bonheur et de fête. Et ces chants ne sont-ils pas les véritables chants populaires, ceux que le peuple se compose lui-même, dans lesquels il conserve la mémoire des actions de ses pères, retrace ses habitudes, ses mœurs, ses penchans et ses sentimens, ceux enfin par lesquels il se révèle tout entier et laisse plonger dans sa vie intérieure le regard du philosophe ? Celui-ci y trouve à faire des observations qui ne sont pas moins intéressantes pour l’art que celles qui concernent l’origine, la langue ou l’histoire d’un peuple ; car il y découvre les formes aussi simples que vraies sous lesquelles ce peuple exprime sa crainte ou son espérance, sa tendresse ou sa haine, sa joie ou sa douleur, sa mélancolie, sa résignation ou ses jouissances, ses plaisirs et son ivresse. Celui-là est le véritable artiste, qui sait émouvoir les masses.

Outre les chants dans lesquels il peint sa vie, ses sentimens et