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grès des idées et le mouvement de la génération ? Point du tout ; on a formulé timidement quelques espérances, on a eu foi dans l’avenir ; mais pour le présent on s’est gardé de demander quelque chose de précis, une amélioration indispensable. L’absurde nécessité du serment a été admise ; le cens électoral actuel a été à peine attaqué ; on n’a soutenu qu’en tremblant les adjonctions de capacités. M. Odilon-Barrot, M. Pagès de l’Ariège, n’ont pas eu le courage de leur opinion ; ils ont voulu faire de la tactique, plaire au château : ils avaient à attaquer de front une institution mauvaise ; ils avaient devant eux l’exemple de Fox et de Sheridan, qui jamais ne transigèrent avec leur conviction, lorsqu’il s’agissait de principes. Il n’y a pas de milieu : la loi électorale est bonne ou mauvaise ; si elle est bonne, osez voter avec les centres et ne vous intitulez pas hommes d’opposition ; si elle est mauvaise, marchez droit contre elle, et démolissez la muraille qui obstrue l’avenir du pays. M. Pagès de l’Ariège se laisse trop aller à des phrases retentissantes, mais vides ; de ce qu’on fait une antithèse en trois lignes, ce n’est pas une raison pour qu’il y ait une pensée au fond. Cette ambition de faire du style Montesquieu est un petit ridicule parlementaire dont un homme politique devrait se garder pour aller droit aux faits et aux choses. Quant à M. Odilon-Barrot, son défaut, c’est d’apporter trop de ménagemens dans ses discours de tribune, et de vouloir mettre de la tactique dans les occasions où il ne faut qu’une opposition franche et nette. Nous apprécions assez l’esprit et la capacité de M. Odilon-Barrot pour donner ce conseil à son talent. Dans cet éparpillement d’opinions où se trouve la chambre, il est difficile, sans doute, de se poser nettement chef d’opposition ; mais enfin si M. Barrot joignait à sa parole brillante une ténacité de principes, une conduite plus précise et mieux formulée, que de convictions incertaines viendraient à lui !

La commission pour la créance américaine continue avec quelque lenteur ses travaux ; on mettra dans cette affaire beaucoup de convenances et de formes ; au fond, le crédit sera voté ; nous le répétons ici, parce que nous connaissons l’esprit de la chambre, et qu’elle ne veut embarrasser d’aucune manière le ministère actuel. On ne peut s’imaginer les petits intérêts qui s’agitent : les localités présentent des pétitions ; on suscite des réclamations de la part des chambres de commerce ; à Marseille, c’est le transport des cotons ; à Bordeaux et à Cette, l’achat des vins ; à Lyon, les manufactures de soie ; au milieu de tant d’intérêts ameutés, comment la chambre résisterait-elle ? L’affaire a été bien conduite par le roi et le ministère ; on arrive aux fins qu’on se proposait, on rendra l’opposition odieuse à certaines localités qui réclament ; les Américains ou leurs prête-noms auront leur argent, et c’est là où on voulait en venir.