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MOHAMMED-ALI-PACHA.

préparées ; mais celles-là, il sut en quelque sorte se les approprier, et en faire les instrumens de sa grandeur. Nous avons indiqué la première : c’est l’invasion de l’Égypte par les troupes françaises ; la seconde est la guerre de la Porte contre les Mameluks.

Pendant la lutte et l’occupation des Français, confondu dans les grades inférieurs, Mohammed-Ali ne joue encore qu’un rôle passif et subalterne. Il prend à la vérité l’empreinte de ce monde européen, dans lequel il refondra plus tard l’Orient démonétisé ; mais c’est une œuvre intime, secrète, spéculative, dont il ne peut tirer immédiatement parti ; et si ses théories le rendent déjà supérieur à ses compatriotes, il reste encore, par sa vie effective, dans une position tout-à-fait secondaire. Dans la guerre contre les Mameluks, au contraire, il ne tarde pas à occuper le poste le plus important, et, pendant toute la durée de cette longue tragédie, il remplit tellement la scène, que sa biographie devient l’exposé du drame lui-même. En comptant les victimes qui tombèrent sous ses coups, la postérité demandera quelle sorte de courage a pu le pousser dans ce dédale de sanglantes intrigues. L’Égypte régénérée répondra pour lui.

Puisque nous venons de rappeler les principales circonstances qui occupèrent sa jeunesse, peut-être ne sera-t-il pas superflu de jeter aussi un coup d’œil rapide sur les antécédens de ses futurs adversaires, les Mameluks.

Ce fut vers le milieu du xiiie siècle, pendant l’expédition de saint Louis en Égypte, que le soudan Maleck-Sala, arrière neveu de Saladin, et petit-fils de ce Maleck-Adel dont une plume française a popularisé le souvenir, acheta un certain nombre de jeunes Circassiens, et en fit ses gardes du corps. On les nomma Mameluks, ou esclaves militaires ; ils ne tardèrent pas à devenir esclaves-rois. La faczon et manière de faire du soudan, rapporte le sire de Joinville, estait que quand aucuns de ses chevaliers de sa haulqua, par leurs prouesses, avaient gagné du bien, tant que ils se pooient passer de luy, de paour que il avait que ils ne le déboutassent et tuassent, il les faisait prendre et mourir en ses prisons et prenait tout le bien que leurs femmes et leurs enfans avaient. Sous le règne suivant, révoltés contre ce despotisme, ils renversèrent, par un meurtre, la dynastie des Ayoubites, et s’emparèrent du trône qu’ils conservèrent pendant près de trois siècles, malgré les attaques des chrétiens, des Turks et de Tamerlan, malgré les périls plus imminens encore où les jetaient leur turbulence et leurs divisions continuelles.

Enfin, à la faveur de ces troubles, l’empereur Sélim Ier s’empara de leur capitale en 1517, fit pendre leur sultan à une des portes du Kaire, et remit à un pacha ou vice-roi, le gouvernement de l’Égypte, devenue