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REVUE DES DEUX MONDES.

SAINT BERNARD.

Jésus ! Jésus ! Jésus ! c’est Jésus le sauveur du monde !

LA JEUNE FILLE, se débattant.

Calvin ! Luther ! Satan ! au secours !

SAINT BERNARD.

Au nom du Père qui a créé le monde, du Fils qui l’a racheté, et de l’Esprit saint, je te somme, démon, de retourner aux enfers, et de quitter l’ame et le corps de cette pauvre fille.

(La diable sort du corps de la jeune fille et s’enfuit)
LA JEUNE FILLE.

Homme saint, oh ! merci !

SAINT BERNARD.

Allez, pauvre fille ! changez de vie et ne vous donnez plus au tigre des ténèbres. Avec la grâce de Dieu, vous irez dans le paradis.

Nous ne connaissons aucune exposition plus magnifique, plus majestueuse que cette introduction de saint Bernard qui ne paraît que pour dire au démon : — Va-t’en, — et dont la première action est une guérison surnaturelle. Comme cette figure du grand solitaire se dessine lumineusement dès l’entrée ! On sent à cette scène si large et si poétique que le drame religieux arrive. Nous voici tombés dans les légendes où les poètes bretons excellent ; on s’en apercevra bientôt.

La fille guérie par saint Bernard est à peine sortie, que le pape dépossédé arrive et lui raconte tout ce qui s’est passé. Le saint, plein de confiance en Dieu, promet de tenter la conversion du comte de Poitou. En effet, un messager vient annoncer à celui-ci que saint Bernard vient le voir, et qu’il le prie de venir écouter ses remontrances.

Malgré son impiété, Guillaume n’ose résister à un pareil ordre. À cette époque, il y avait quelque chose de supérieur à toutes les puissances : c’était une sainteté reconnue. Les couronnes d’or étaient humbles devant les auréoles d’étoiles. Le comte répond donc qu’il ira. Le lendemain, en effet, il arrive et demande Bernard. — « Entrez à l’église, lui répond un moine, on y célèbre l’office, et le saint abbé est prêt à vous prêcher. »

LE COMTE.

Qu’il vienne lui-même ; je ne suis nullement pressé.

UN BARON.

Cet abbé pense-t-il que nous soyons venus ici pour écouter la messe ?

UN GENTILHOMME.

Il y aurait un moyen de faire sortir les moines, ce serait de mettre le feu au couvent.