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commun leurs ennuis domestiques, leurs dégoûts, et prennent la résolution de s’engager dans l’armée du comte de Poitou. La fin de l’acte nous les montre en effet près du comte, armés pour la guerre, et faisant déjà les pourfendeurs de montagnes.

Il est bon de remarquer que les deux personnages que nous venons de voir en scène, sont bien plus plaisans pour des Bretons que pour des Français. Pour eux, ce sont des types consacrés. En effet, dans ces deux scènes, nous avons vu à peu près toutes les sources comiques auxquelles puisent nos auteurs. Le théâtre celtique, comme le vieux théâtre italien, a ses personnages plaisans fixes et invariables. Les moules sont tout faits, et les caractères s’y coulent en forme, comme des cloches. Ce sont le diable, l’ivrogne et le mari conduit par sa femme. J’ai déjà dit ailleurs pourquoi, en Bretagne, le diable était un personnage ridicule. L’ivrogne fait surtout rire parce qu’il parodie un vice général, un vice apprécié. Tous mettent une sorte d’ostentation de bon caractère à rire des lazzis du Mezveyer, comme des gens bien élevés qui entendent la plaisanterie. C’est qu’en effet il n’en est peut-être pas un dans toute l’assemblée qui, en voyant le personnage, ne puisse dire, comme le chiffonnier : — Voilà pourtant comme je serai dimanche. — Quant au mari conduit par sa femme, c’est le Cassandre de la comédie armoricaine ; c’est quelque chose de pis : c’est la personnification de la lâcheté et de la sottise. Dans les mœurs bretonnes, la femme ne doit être pour l’époux qu’une domestique sans gages qui fait le ménage, les enfans, sert les hommes à table, et mange les restes. Un mari qui se laisse conduire est un niais qui prostitue sa dignité, et qu’il faut noyer sous les épigrammes, pour l’offrir aux risées publiques. Notez que ce vice (car c’en est un en Bretagne), tout méprisé qu’il est, n’y est pas plus rare qu’ailleurs. Là, comme partout, la nature s’est fait un jeu des mœurs qui lui étaient contraires.

Le quatrième acte contient beaucoup de marches, de bavardages et de combats ; mais on voit que toute cette animation artificielle, que tous ces mouvemens ont embarrassé l’auteur. Son dialogue s’en ressent. Le pape Eugène débute par annoncer un jubilé universel et des indulgences pour tous les pécheurs. Le comte de Poitou est seul excepté. Mais presqu’au même instant, on vient lui annoncer que ce comte marche contre Rome. En effet, on voit bientôt Guillaume paraître à la tête de son armée ; il prend la ville sainte, chasse le pape et met à sa place Anaclet. Eugène, dépouillé de la tiare, s’enfuit, en déclarant qu’il n’a plus d’espoir qu’en saint Bernard, et qu’il va se retirer près de lui.

Les scènes qui suivent, forment un hors-d’œuvre inexplicable. C’est un acte entier des plus grotesques et des plus absurdes pasquinades. Un roi