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REVUE DES DEUX MONDES.

que je souffre ? Ami, console-moi ; si tu savais comme ma passion me brûle !

JOSEPH, avec horreur.

Ah ! mieux vaudrait pour moi n’être pas né.

LA PRINCESSE.

Je ne me rebuterai pas, Joseph ! tu comprendras enfin le bonheur qu’on t’offre et l’honneur qu’on te fait. Déjà ton œil s’adoucit, ton front pâlit. (Elle approche de lui.)


Mon plus aimé, écoute-moi. — Sais-tu, ami, que le sommeil m’a abandonnée ? Sais-tu que ta froideur me brise le cœur ?

JOSEPH.

Princesse, je ne puis vous comprendre. Je ne puis croire que vous veuillez trahir un époux aussi noble que le vôtre, que vous veuillez me corrompre, moi, et perdre mon ame !…

LA PRINCESSE, avec une colère retenue.

Joseph !… laissez-moi vous aimer !… ne repoussez pas un cœur qui vous cherche ; — je sais chérir qui m’aime ; je sais aussi punir qui me blesse ; — renoncez à ces résistances qui m’offensent.

JOSEPH.

Madame, prenez mon épée et percez-moi le cœur. Plutôt mourir que de commettre un crime !

LA PRINCESSE.

Pardonnez-moi, esclave, de vouloir attenter à votre pureté !… — Joseph, toutes tes paroles m’irritent sans éteindre mon amour, ne me rends pas furieuse. Je souffre, Joseph ! un baiser !… — Joseph… viens… ma couche est là !… (Joseph fuit.)

Ah ! lâche, tu veux me fuir ?… (Elle le saisit par son manteau.)

Au secours, mes gens, au secours !… (On arrive.)

Vous voyez, cet homme voulait me faire violence… son manteau m’est resté…


Joseph est arrêté ; le sommelier de Putiphar lui dit : — Messire Joseph, rendez votre épée ! — Il lui fait observer ensuite qu’il a eu tort de chiffonner le tablier de madame, que ce n’était pas le moyen de rester le favori du prince. Il le conduit enfin en prison, et répond au geôlier qui lui demande le crime du prisonnier :

« Il avait trop de bonne volonté pour la princesse, et dans l’excès de son amabilité, il a voulu la jeter sur un côté de son lit, tant le plaisir de Vénus l’enflammait. »

En sortant, il ajoute un bon conseil pour le geôlier :