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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

beaux coursiers de guerre… ils sont hauts et robustes, et dans toute l’Égypte, il n’en est point de pareils. » — Plus tard le même Joseph monte en grade. — « Il est chargé d’accompagner sa maîtresse l’épée au côté, et avec le chapeau à plumes. » — L’auteur l’a évidemment transformé en page du xvie siècle. Du reste, tout ce drame de Jacob reflète l’époque à laquelle il fut composé. C’est un mélange curieux de religion, de mythologie, d’amour naïf et de voluptés licencieuses. On en jugera par la scène suivante, que nous traduisons d’autant plus volontiers que nous ne reviendrons plus sur cette tragédie de Jacob, qui, à beaucoup d’égards, mériterait cependant d’être analysée.

La princesse Putiphar, après avoir dit « qu’elle ne pouvait résister aux flèches cuisantes de Cupidon, et qu’elle était bien malheureuse, parce que les fantaisies de Joseph n’étaient point sur cette terre, » se résoud à tout tenter. Elle fait appeler le jeune esclave :

Joseph, prenez votre épée, et suivez-moi. Je veux me promener. L’air est pur aujourd’hui, et votre présence me réjouit.

JOSEPH.

Je suis prêt, et à vos ordres, princesse.

LA PRINCESSE, le regardant avec tendresse.

Joseph !… que vous êtes beau ! — Vos regards me prennent, il m’enlacent, ils m’isolent de tout, et je suis enfermée dans leur rayon comme dans un cachot.

JOSEPH.

Princesse… je ne sais que vous répondre !… mes regards sont uniquement occupés de mes devoirs, et n’osent se porter sur vous.

LA PRINCESSE.

Vous ne me comprenez pas, Joseph !… — Oh ! ce n’est point un reproche que je vous fais ; laissez là tous ces devoirs domestiques. Si vous saviez combien je vous aime ! — Je veux vous rendre l’être le plus heureux de ma maison ! (Après un silence, avec impétuosité.)

Joseph ! Joseph !… embrasse-moi !

JOSEPH.

Princesse, je respecte trop votre rang, et le prince votre époux.

LA PRINCESSE.

Joseph ! embrasse-moi !

JOSEPH.

Ce serait un crime.

LA PRINCESSE.

Ce qui est un crime, c’est de me refuser !… — Tu ne vois donc pas