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REVUE. — CHRONIQUE.

servées. Le roi ne s’était séparé qu’avec peine de M. Sébastiani, il avait cédé à une nécessité constitutionnelle après le rejet du traité des États-Unis ; il était impossible, en effet, après un tel échec, de maintenir le ministre signataire de la convention. Maintenant les choses ont changé de face, le roi est convaincu qu’il obtiendra le vote des vingt-cinq millions ; dès lors, il n’y a plus d’obstacle à la rentrée du général Sébastiani aux affaires ; si sa santé ne lui permet pas d’accepter un portefeuille avec un département d’action, on redonnera au général un ministère sans portefeuille ; on a besoin d’un confident, on ne peut pas s’abandonner à tous pour toutes choses ; l’excellent ami sera là pour écouter et exécuter.

Si, au contraire, la santé du général lui permet d’accepter les affaires étrangères, alors on sacrifierait M. de Rigny, triste ministre, qui a compromis vingt fois le ministère à la tribune par sa manie d’improviser. M. de Rigny a vu M. Thiers obtenir du succès par la parole, et il s’est mis à le singer à tort et à travers. Dans la dernière discussion, les ministres étaient tout honteux des étourderies de M. de Rigny, qui ont manqué perdre la question russe. On se débarrasserait donc de lui ; la difficulté serait de savoir si on l’enverrait à Londres ou à Naples ; M. de Rigny préférerait la première de ces ambassades, parce que d’abord elle donne trois cents mille francs et une influence européenne, puisque toutes les grandes questions vont se traiter là. Mais voyez quelle belle figure ferait M. de Rigny à Londres, sans antécédens, sans habileté, jeté au milieu de ce qu’il y a de plus fin et de plus élevé ! M. de Rigny, remplacer M. de Talleyrand ! ce serait une trop grande mystification. Qu’on l’envoie à Naples, à la bonne heure, sur le rivage de cette mer qui vit ses premières armes. On a toujours dans ce monde les prétentions des qualités qu’on n’a pas. M. de Rigny se trouvait déplacé à la marine, il s’y sentait mal à l’aise ; sa manie, c’est la diplomatie ; les affaires étrangères étaient son rêve, et maintenant l’ambassade de Londres est son ambition.

Tout le monde pense, au château, qu’il n’y aura pas de remaniement ministériel jusqu’après la session. Le maréchal Mortier a encore une fois cédé aux supplications du roi, il continue son intérim avec la promesse expresse qu’on le débarrassera de la présidence et du ministère après le vote du budget. Si la loi sur le traité avec les États-Unis passe, le pivot de la nouvelle combinaison reposera sur la trinité politique du maréchal Soult, du général Sébastiani et de M. Thiers ; mais pour cela, il faut que Dieu protége la France, c’est-à-dire qu’il conduise à bon port, sans accident de santé, le général Sébastiani et le maréchal Soult. On se demandera en tout ceci pourquoi on ne parle plus de M. Molé : c’est qu’il s’est usé malheureusement, et que le pire pour un homme politique, c’est