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Vous savez que les réclamations, toujours timidement présentées par le plénipotentiaire américain, furent repoussées par tous les ministres de la restauration. Jamais sur aucun budget de finances il n’y eut réserve faite ; dans dix budgets, il y eut forclusion pour les créanciers de l’arriéré, et jamais aucune protestation ne s’éleva pour revendiquer les droits de l’Amérique. Lorsqu’on s’adressa à M. Pasquier, ministre en 1820, à la suite de la liquidation Bacry d’Alger, M. Pasquier répondit que rien n’était dû ; quand on s’adressa à M. de Villèle, à M. de Polignac, la même réponse fut faite. Quoique, aux affaires étrangères, des commis, des chefs de division même, fussent déjà intéressés dans la liquidation américaine, la réponse fut toujours : « Nous ne devons rien ; et dans tous les cas, il y a large compensation dans l’affaire de la Louisiane. »

Une circonstance assez curieuse, c’est que le ministre qui porta le plus d’attention à la timide demande des États-Unis, fut le vicomte Mathieu de Montmorency, cette âme pieuse, toute d’élancement et de tendre dévotion. Ce fut M. de Lafayette qui prit en main cette négociation, et comme de vieilles relations de gentilshommes les unissaient l’un à l’autre, M. de Montmorency eut un moment de sympathie pour une cause qu’il avait lui-même saluée à l’Assemblée constituante. M. de Montmorency tomba devant l’esprit tout positif de M. de Villèle, et ce ministre, qui se connaissait si bien en comptes, en liquidations, ne voulut jamais entendre parler que comme d’une simple causerie de la réclamation des États-Unis. Vous savez que dans son ministère des affaires étrangères, M. de Damas n’était qu’un prête-nom ; il reçut plusieurs fois l’ordre de faire compter sur la liste civile diverses indemnités à des capitaines américains malheureux, mais jamais il ne voulut admettre le principe d’une indemnité légale à la suite d’une réclamation officielle.

La révolution de juillet éclate. Ici, surviennent d’autres intérêts, d’autres complications, qu’il est très essentiel de bien définir pour se rendre compte de l’empressement apporté depuis à la conclusion du traité américain. L’événement tout populaire qui plaçait un si grand pouvoir sur la tête de M. de Lafayette, devait réveiller toutes ses sympathies pour l’Amérique ; M. de Lafayette avait passé là toute sa jeunesse de gloire, et c’est chose dont on garde souvenir. Dans sa pensée, le système américain se présentait comme le meilleur type de gouvernement, et son rêve eût été de l’appliquer à la France. La reconnaissance le liait aussi à cette terre du Nouveau-Monde ; il venait d’y recueillir un bouquet de gloire et d’or. Le ministre américain, tout en saluant avec enthousiasme le réveil populaire de la France, ne perdit point de vue les intérêts de son gouvernement : il agit vigoureusement par Lafayette ; il remua la presse avec