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L’auteur pense que ce coucou était une femelle pressée par le besoin de pondre ; mais il est bien plus probable que c’est une femelle qui avait pondu, et qui, venant apporter son œuf dans le nid des rouges-gorges, en fut empêchée par le retour imprévu de ces oiseaux. Elle avait son œuf dans la gorge, et voilà pourquoi elle restait constamment le bec ouvert. Dans un des mouvemens qu’elle faisait pour éviter les coups, l’œuf se sera engagé trop avant et aura bouché l’entrée du canal aérien ; de là suffocation, jusqu’à ce qu’un mouvement convulsif de la gorge, indépendant de la volonté de l’oiseau, aura fait avaler l’œuf et permis à la respiration de recommencer. L’œuf avalé, le coucou n’avait plus rien à faire avec le nid des rouges-gorges, et il était naturel qu’il s’éloignât.

Nous arrivons enfin aux faits observés par M. Prévost, qui a eu la bonne fortune de voir ce qu’avait cherché vainement Levaillant, la femelle déposant son œuf dans le nid où il doit être couvé.

« On sait, dit ce naturaliste, que les coucous qui arrivent dans notre climat dans le premier mois du printemps successivement et d’une manière isolée, continuent à vivre solitaires, occupant chacun une sorte de canton, un espace assez circonscrit dans lequel ils restent tout l’été. Cependant j’ai reconnu que cette sorte de cantonnement n’a lieu que pour les mâles, et que la femelle, au contraire, parcourt un espace beaucoup plus considérable, comprenant plusieurs de ces cantons ; que cette femelle fait choix d’un mâle, avec lequel elle s’accouple, et qu’aussitôt qu’elle a pondu le produit de cet accouplement, et s’est assurée que les oiseaux dans le nid desquels elle l’a déposé en prennent soin, elle va chercher un nouveau mâle qu’elle abandonne ensuite, comme elle avait abandonné le premier. »

M. Prévost rapporte en détail une des observations qui l’ont conduit à ces conclusions, et nous la reproduirons ici dans ses propres termes.

« Après bien des tentatives inutiles, je réussis, dit-il, il y a quelques années, à prendre au filet, vers la fin du mois d’avril, un coucou femelle que je venais de voir retirer d’un nid, et déposer sur l’herbe un œuf de bergeronette. Pour la rendre reconnaissable,