Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
REVUE DES DEUX MONDES.

oiseau était quelquefois confondu avec l’engoulevent ; nous verrons que la même erreur a été commise plus d’une fois et jusque dans ce siècle.

Aristote et Élien, ainsi que je l’ai dit, expliquaient différemment l’habitude qu’a la femelle du coucou d’aller pondre dans un nid étranger, supposant, l’un, qu’elle ne se sentait pas le courage nécessaire pour défendre sa famille, l’autre, qu’elle savait son tempérament trop froid pour couver et faire éclore un œuf. Ces deux opinions partagèrent les naturalistes jusque dans le XVIIIe siècle ; Hérissant alors en proposa une troisième qui était fondée sur l’organisation de l’animal. Cet anatomiste remarqua que chez le coucou l’estomac est placé autrement que chez la plupart des autres oiseaux, et qu’au lieu d’être protégé par le sternum, il est recouvert seulement par les muscles du bas-ventre. Suivant lui, une pareille disposition ne permettait pas à la femelle de couver, puisque dans cet acte l’estomac eût été comprimé de manière à troubler la digestion. On pouvait objecter à cela que le jeune coucou, tant qu’il reste dans le nid, a l’estomac comprimé justement de la même manière que l’aurait sa mère dans l’incubation, et que cela ne paraît diminuer en rien son appétit, qui est au contraire des plus voraces. On pouvait enfin faire remarquer que la même disposition organique se retrouve chez certains oiseaux, qui cependant couvent leurs œufs et élèvent leurs petits.

Au reste, quelle que fût l’opinion qu’on adoptât relativement aux causes qui portent la femelle du coucou à aller pondre dans un nid étranger ; qu’on regardât cette anomalie comme dépendante de l’organisation du tempérament, ou du caractère, une même question se présentait toujours à résoudre : la mère, après avoir placé sa progéniture sous une tutelle étrangère, continue-t-elle à y prendre intérêt ? Ce fut pour résoudre cette question que Lothinger fit des observations et des expériences nombreuses, mais dont le résultat ne semble pas bien concluant. Lothinger crut aussi remarquer que les oiseaux qui ne font nulle difficulté d’adopter l’œuf du coucou, quoiqu’il soit souvent très différent des leurs, abandonnent au contraire leur nid lorsqu’on y dépose des œufs provenant de toute autre espèce. Il paraît que les expériences qui l’avaient conduit à cette conclusion n’étaient pas faites avec les