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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

ment au développement isolé de chacune des facultés humaines, frappé douloureusement de ces natures incomplètes et boiteuses, il est amené à conclure pour le développement harmonieux et simultané des affections, de l’intelligence et de la volonté.

Aimer, comprendre et vouloir, telle est la loi morale. Ordonner ses jours pour le dévouement, l’étude et l’action, tel est l’idéal de la vertu ; porter inscrits au front l’amour, l’intelligence, et la volonté, c’est la sanctification, c’est le rôle providentiel et glorieux, c’est la prière vivante, et la seule qui monte aux oreilles de Dieu.

Voyons maintenant quel est le but de la poésie.


Que la poésie ou le développement de l’imagination, c’est-à-dire d’une forme particulière de l’intelligence, soit au nombre des devoirs humains, nous n’essaierons pas de le démontrer ; cela est hors de doute, si la loi morale, telle que nous l’avons posée précédemment, est la seule vraie, la seule complète, la seule obligatoire. C’est de la poésie prise en elle-même que nous devons parler.

Or, quel est le but de la poésie ? N’est-ce pas l’invention et l’expression de la beauté ? Ramenés à leurs élémens les plus généraux, tous les poèmes écrits depuis Homère jusqu’à Byron nous offrent-ils autre chose que l’invention et l’expression de la beauté ? Définie dans ces termes, la poésie comprend, je crois, tous les accidens de l’imagination.

Mais quels sont les élémens de la beauté elle-même ? Si la connaissance des facultés humaines est nécessaire à l’institution de la morale, sans nul doute la connaissance de la beauté n’est pas moins utile à l’institution de la poésie. Ce qu’il y a d’imprévu, de fatal, d’irrésistible dans l’inspiration poétique, ne s’oppose aucunement à la discussion rigoureuse des élémens de la beauté.

Que si nous essayons de saisir le caractère commun à toutes les choses appelées belles d’une voix unanime, nous trouverons qu’une statue, un tableau, un palais, une symphonie ou un poème sont beaux toutes les fois qu’ils nous présentent réunis l’ordre et le mouvement. Dans les œuvres de la nature, la même condition, en se réalisant, excite en nous une admiration pareille. La beauté du Parthénon et la beauté du dahlia se composent des mêmes élémens. Mais, selon la prédominance alternée de l’ordre ou du mouvement,