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débarrasse, prête main-forte au parlement et à la bourgeoisie, qui veulent reprendre l’autorité, passée dans les mains énergiques des confréries. Une fois ce parlement et ces bourgeois maîtres du pouvoir, Mayenne s’alarme encore de la tendance inévitable vers la restauration de Henri iv ; il brise avec ce mouvement d’opinion, et veut retourner au parti populaire ; celui-ci a ses souvenirs et ses répugnances, et peut-il oublier que c’est Mayenne qui a fait pendre au haut des tours du Palais les braves quarteniers qui défendirent Paris lors du siége ? Les méfiances s’accroissent : Mayenne, qui n’ose confier Paris à un chef militaire du peuple, le donne à M. de Cossé-Brissac, et M. de Cossé-Brissac ouvre les portes de Paris à Henri iv.

La trahison de M. de Brissac fut amenée par la force des choses : dans les guerres civiles, il est des époques où tout le monde veut en finir ; si le gouverneur de Paris n’eût pas livré la ville, un autre accident l’aurait donnée à Henri iv. Le parti énergique étant désarmé et sans influence dans les affaires publiques, la garnison espagnole étant insuffisante, la bourgeoisie devait appeler nécessairement une restauration. Comme elle redoute le pouvoir des basses classes, et qu’elle ne peut pas tenir longtemps l’autorité sans mettre partout de la faiblesse et des tracasseries, elle se tourne naturellement vers un principe protecteur, et ce principe, c’est l’autorité forte et incontestable d’une hérédité de race. Du jour où les seize quarteniers furent proscrits, l’avènement de Henri iv devint inévitable.

C’est de cet instant que commencent les soucis de la royauté. Tant qu’on est aux champs de guerre, on se bat loyalement contre l’ennemi qui est en face. On n’avait pas le temps de songer aux intrigues quand les balles espagnoles sifflaient dans les panaches flottans. Mais voici Henri iv et sa chevalerie à Paris. L’entrée du Béarnais n’excite aucun enthousiasme ; elle se fait de nuit, au milieu des gardes et des parlementaires cherchant vainement à provoquer quelques acclamations publiques. Le lendemain, il y a un peu plus d’entraînement ; Henri manifeste sa catholicité, et s’agenouille à Notre-Dame. Que va-t-il faire de l’autorité ? Quelle sera la direction de son pouvoir ? Le voilà accablé sous mille obstacles ; aura-t-il la force de les surmonter ?

Il faut pacifier les provinces. Paris n’a point tout donné à Henri iv ; la Provence, la Bretagne, une portion de la Bourgogne, toute la Guyenne jusqu’à Toulouse, et de Toulouse jusqu’à la Loire, tout est organisé en affiliations catholiques ; Rouen même, la cité populeuse, l’associée municipale de Paris, n’a cessé d’arborer les couleurs de la Ligue. À côté de ces associations se trouvent de nombreuses armées espagnoles, toutes