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REVUE. — CHRONIQUE.

des têtes politiques organisées pour former un ministère. Il y a dans cette chambre un individualisme orgueilleux qui se refuse à ces alliances de noms où chacun apporte un renoncement d’amour-propre pour organiser quelque chose où tous ne soient pas au premier rang ; prenez un à un tous les députés marquans, tous ceux qui ont quelque faculté de parole, et demandez-leur s’ils ont entre eux la moindre cohésion, si chacun, dans sa solitude égoïste, ne cherche pas à se créer un parti à lui, et une fortune à lui.

M. Sauzet arrive avec une grande force de réputation : affublé d’un ministère de quelques jours, le voilà maintenant avec la fièvre de ce ministère qu’il n’a point touché ; son rêve, c’est le pouvoir ; il avait quelques engagemens électoraux, il les secoue pour courir aux Tuileries ; le roi le séduit de ses paroles et de ses espérances. Dès ce moment, il s’entoure, dans la chambre, de quelques unités honorables qui le secondent ; M. Sauzet a dès lors le sentiment immense de son importance ; il ne se pose nettement ni dans l’opposition, ni dans le ministère ; le portefeuille est devant lui, et étouffe de son poids doré, l’essor de son talent, qui, selon nous, est plus dans les mots que dans les choses : consultez la majorité, elle vous dira que M. Sauzet serait la plus faible tête politique au pouvoir.

Parlerons-nous encore de quelques unités philosophiques qui prêchent dans la chambre des théories vagues, sans application des faits. Le parlement est constitué pour examiner le positif des choses ; il faut qu’il y ait esprit de progrès sans doute, mais un progrès défini, saisissable pour tous : la tribune n’est point un banc de l’école ; il ne s’agit pas d’y disserter sur des questions de morale philosophique, mais d’appliquer la théorie gouvernementale à des questions de législation pratique. Nous répétons donc à M. Janvier et à M. de Lamartine qu’ils ont d’autres destinées que celles qu’ils se sont faites ; leurs thèses, colorées de nobles sentimens, auraient eu de l’écho à l’origine de nos mouvemens politiques, dans l’assemblée constituante, à ces époques toujours un peu vagues, où l’esprit politique reconstruit son ouvrage : aujourd’hui notre société est trop matérielle pour les comprendre et seconder des fortunes parlementaires qui placeraient le pouvoir dans un lointain aussi vaporeux.

Il ne faut plus parler de M. Dupin. Il suffit de jeter les yeux sur ce fauteuil de la présidence, de voir ce visage pâle et défait, cette fierté mourante, cette réputation éteinte, pour prendre à pitié M. Dupin. C’est l’ange superbe déchu. On dirait que la chambre souffre pour lui. Nous demandions à un député influent : « Continuerez-vous M. Dupin à la présidence ? » il nous a répondu : « Nous ne voulons la mort de personne ;