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HISTOIRE DE FRANCE.

un de ses livres, de l’histoire du monde pour expliquer la France ; et pour cet édifice de prédilection, il a long-temps entassé pierre sur pierre, et demandé à tous les peuples, à tous les âges, des secours et des matériaux.

Les deux premiers volumes de son histoire ont paru. Le premier est tout entier consacré aux invasions des barbares, à la formation des races, et au règne de la race mérovingienne. C’est là l’époque encore embrouillée et indécise de notre histoire, malgré les recherches lumineuses de MM. Guizot, Augustin Thierry et Sismondi. M. Michelet ne s’avance à travers ces obscures sinuosités qu’en s’appuyant sur un amas de textes et de citations, et il lui faut toute sa jeune et riche imagination pour dissimuler ce qu’il y a parfois d’aride dans la nomenclature des peuples barbares, et de confus dans leurs marches et leurs rencontres. Une longue discussion a été engagée sur cette partie du livre par un critique plein d’érudition. J’avoue franchement en face de lui mon ignorance, et je n’essaierai pas de reprendre la discussion sur le terrain où il l’a placée. Je ferai cependant observer qu’il impute à M. Michelet, en la lui reprochant, une assertion sur les maires du palais, que M. Michelet réfute lui-même. Je dirai encore que toutes les observations de M. Michelet sur la race germaine me semblent justes et bien fondées. En admettant que l’élément de la race germaine soit venu se fondre dans celui de la race franque, M. Michelet ne fait, à ce qu’il me semble, aucun tort à l’Allemagne. Il lui donne seulement le caractère qu’elle a encore aujourd’hui, caractère essentiellement multiforme, malléable, modeste, timide même, si ce n’est dans les grandes occasions, où il se relève avec énergie, mais d’ordinaire défiant de lui-même, et toujours porté à l’admiration et au dévouement pour les autres. M. Michelet ne peut vouloir médire de l’Allemagne ; il l’aime, il la comprend. Voici le tableau qu’il en traçait, il y a quatre ans : j’ose soutenir qu’on n’a jamais rien écrit de plus poétique et de plus vrai sur ce pays.

« Au centre s’étend l’indécise Allemagne. Comme l’Oder, comme le Wahal, ces fleuves vagues qui la limitent si mal à l’orient et à l’occident, l’Allemagne aussi a changé cent fois ses rivages, et vers la Pologne et vers la France. Qu’on suive, si l’on peut, dans la