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més, disaient que M. de Talleyrand, en voyant arriver le ministère du duc de Wellington, avait imaginé sur-le-champ, pour se redonner encore de l’importance, de réveiller son projet favori conçu en 1815 avec lord Castelreagh et le prince de Metternich, c’est-à-dire la triple alliance de l’Autriche, de la France et de l’Angleterre. Par ce moyen, la quadruple alliance du Midi aurait reçu une sorte de baptême européen par l’accession de l’Autriche. M. de Talleyrand voyait là un moyen de compléter son système de défense contre la Russie et ses envahissemens. On sait, en effet, les mécontentemens qui existent entre l’Autriche et la Prusse à l’occasion de l’Allemagne. Si les tories veulent également conquérir un peu de nationalité en Angleterre, ils doivent se dessiner fortement dans le sens anti-russe. M. de Talleyrand se faisait fort de les entraîner dans une communauté d’idées et de sentimens pour jeter l’Autriche dans la triple alliance des cabinets. Ce qu’on ne sait pas assez, c’est que M. de Metternich ne voit pas avec déplaisir le nouvel ordre de choses en Espagne ; il y a de vieilles traditions et d’anciens préjugés en Autriche : tout système qui enlèvera à la maison de Bourbon le trône d’Espagne pour le faire passer à un archiduc, est saisi avec empressement, et l’abolition de la loi salique, dans les rêves de l’Autriche, peut favoriser l’alliance d’un prince de sa maison avec l’infante, et rajeunir la monarchie de Charles-Quint. Les obstacles sont l’Italie, mais si on offrait d’abandonner Ancône, l’Autriche ne serait-elle pas reconnaissante ? Si on réprimait plus fortement encore la propagande, ne serait-ce pas un moyen de bien mériter d’elle ?

C’est en invoquant tous ces intérêts que M. de Talleyrand aurait eu mission de se rendre à Vienne. Je ne pense pas qu’il puisse accomplir cette pensée dont l’exécution l’aurait placé si haut dans l’avenir de l’Europe ; je crois à des obstacles invincibles de la part de M. de Metternich, qui est trop fortement lié aux principes et aux souvenirs de la Sainte-Alliance pour s’en détacher, tant que la France ne présentera pas ce que les souverains appellent des garanties de stabilité et de durée. Le principe de résistance, posé par le nouveau ministère, est peut-être ce gage de sécurité qu’on voudrait donner à l’Europe absolutiste ; car ce système de résistance est-il autre chose que le principe conservateur posé par la Russie ? Un cabinet tory en Angleterre, un ministère de résistance en France, peuvent très bien, de concert et par les garanties qu’ils s’offrent, attirer l’alliance de M. de Metternich contre la Russie.

Il n’y a plus qu’une question, celle de savoir si les tories ont des conditions de durée. La lutte est actuellement engagée ; si en France le ministère s’assied, si en Angleterre les tories se maintiennent au pouvoir, il