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dans les orages, blessant des opinions irritables, soulevant des haines à plaisir ; que de bien aurait fait un peu de pardon jeté sur ces plaies !

Des pardons ! Nous en avons un tout petit ; on ne nous le donne pas comme un acte de clémence, mais comme un argument ministériel pour obtenir une loi de finance et de crédit. On cède à l’opinion vingt-sept têtes de captifs. On aura la majorité à la chambre sur les douze cents mille francs réclamés. C’est donc convenance parfaite ! C’est faire le bien avec un instinct de formes très remarquable.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Depuis la récente ouverture de la session, la chambre des députés s’est dessinée dans plusieurs débats d’une nature différente. La majorité s’est prononcée tout à la fois en ce qui touche la querelle du tiers-parti avec le ministère, et de l’opposition également avec ce ministère. Trois questions sont venues à point pour bien marquer cette situation complexe ; il est évident que dans la question de l’interprétation de l’adresse et du crédit de 26,000 francs pour la présidence, il ne s’est agi que de différends particuliers entre le tiers-parti et le ministère, tandis que sur la demande des 1,200,000 francs pour le procès républicain, le débat s’est agrandi par la question de l’amnistie, et s’est transformé en un véritable coup de parti entre le cabinet actuel et l’opposition de toutes les couleurs.

Je me suis souvent demandé ce qu’était le tiers-parti ; j’ai déjà dit que par la force des choses il se morcellerait, et qu’une fraction passerait au ministère, tandis que l’autre viendrait à l’opposition franche, se dessinerait d’une manière nette dans les questions politiques importantes. C’est à ce point qu’est arrivé le tiers-parti aujourd’hui ; il n’existe plus comme opinion depuis l’ordre du jour motivé sur l’adresse. Il est mort dans ce débat, et il l’avait bien mérité. Entre des ministres qui venaient à la tribune dire franchement : « Voyons, voulez-vous nous conserver au ministère, nous sommes prêts à y rester sous notre responsabilité, » et les chefs d’une opinion tremblante devant le pouvoir, et répétant sans cesse : « Nous ne voulons pas être ministres, nous craignons la responsabilité, » la chambre n’a pas dû hésiter ; la majorité s’est décidée pour qui osait avouer haut sa volonté du pouvoir, sa ferme résolution de le garder. Comparez le langage si direct de M. Thiers avec les explications si timides de M. Passy, de M. Dupin et même de M. Étienne, et dites-moi s’il est étonnant que la victoire soit arrivée à un cabinet qui avait tant de foi en lui-même et dans les couardises de ses adversaires ? M. Thiers a très bien compris l’esprit et la direction de la majorité ; il a évoqué des fantômes ; il lui a fait peur de l’absence de tout pouvoir, et de cette anarchie ministérielle dont on