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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

en outre l’occasion d’exercer pendant ce temps une portion notable de souveraineté.

L’interrègne, une fois décrété au profit de toutes ces ambitions honteuses, on donna enfin audience aux ambassadeurs que Lübeck avait envoyés pour se plaindre de la violation des traités. Wüllenweber parla, et ses réclamations embarrassèrent ce gouvernement provisoire qui parvint pourtant à donner une réponse évasive. Cependant Gustave Wasa n’avait pas montré moins d’ingratitude à l’égard de Lübeck. Il avait fait un traité de commerce avec la cour de Bruxelles. Les Lübeckois voulurent lui donner une leçon en saisissant chez eux, comme gages de créances arriérées, des vaisseaux frétés pour le compte de Gustave. Celui-ci usa de représailles, en disant, pour affaiblir le reproche d’ingratitude, que les services rendus à sa personne, par les gens de Lübeck, ne l’avaient été que dans leur propre intérêt.

Wüllenweber, apprenant ces évènemens à Copenhague, paraît avoir dit que sa ville pourrait bientôt faire descendre du trône un roi qu’elle seule avait pu y faire monter. Toujours est-il qu’il conçut alors le plan hardi de s’attaquer à toute la royauté du Nord, et d’employer pour son projet les élémens révolutionnaires que son œil d’aigle apercevait déjà de toutes parts. En effet, le clergé catholique, dont la noblesse danoise avait besoin, avait obtenu l’oppression et la persécution des ministres luthériens. On allait même à Copenhague condamner à l’exil un prédicateur vénéré, si une émeute populaire, que Wüllenweber ne manqua pas de faire soutenir par les équipages de ses vaisseaux, n’avait commandé la modération. De son côté, la noblesse exploitait largement l’interrègne, et affermissait sa tyrannie. Le peuple danois, blessé dans ses croyances et dans ses intérêts, se rappelait la cruelle guerre des paysans en Souabe, et n’attendait qu’un signal pour les imiter. Ce signal, Wüllenweber entreprit de le donner, de le donner au profit des doctrines de liberté religieuse et politique, au profit de la démocratie et des villes libres, contre l’aristocratie du glaive et de l’encensoir.

La Suède, quoique placée dans des circonstances moins critiques que le Danemarck, offrait pourtant aussi à Wüllenweber de grands élémens de fermentation dont il pouvait tirer parti. Le roi de la noblesse ne plaisait pas aux bourgeois et aux paysans, aux partisans de la vieille église pas plus qu’à ceux de la nouvelle. Les bourgeois de Stockholm, surtout les Allemands, auraient échangé volontiers l’éclat de leur résidence royale contre leur admission dans la Hanse, et ne répugnaient nullement à des innovations hardies. Lübeck était rempli de mécontens Suédois, parmi lesquels on remarquait le beau-frère de Gustave. Le roi, rompant ouver-