Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/763

Cette page a été validée par deux contributeurs.
763
L’ARÉTIN.

les bras de sa femme et l’accueille comme Meinau accueille la sienne dans la dernière scène de Misanthropie et Repentir.


Ce sont, comme on le voit, de bizarres caprices que ces comédies. Le génie aristophanique y respire, mais dénué d’élévation, de moralité et d’étendue. Vous apercevez un arabesque bouffon, dont vous suivez la spirale fantastique, et qui vous montre un évêque assis sur une feuille d’acante, tirant la langue ou faisant un geste obscène, et environné de singes qui gambadent ; plus haut, des satyres ; plus bas, des femmes nues, et tout à côté des pots de bierre coiffés d’une mitre. La facilité du trait, la verve du dessin, la complication des objets attachent votre regard et le forcent de s’arrêter sur ces polissonneries, qui vous révolteraient, ébauchées par un artiste stérile et maladroit.

L’Arétin, qu’un pape a baisé au front, et que Charles-Quint a honoré de l’accolade, va se trouver en parallèle avec Corneille : toutes ces choses n’appartiennent qu’à lui. Pierre Corneille et l’Arétin ont traité dramatiquement le combat des Horaces et des Curiaces. L’Italien du xvie siècle n’y avait vu que des passions presque matérielles, un grand mouvement populaire et de belles scènes tout extérieures. Le Français, élevé à l’école des espagnols chrétiens, jeta ce canevas antique dans son moule espagnol et chrétien. Combats intérieurs, douleurs cuisantes, angoisses de l’ame, élans hautains de la fierté romaine, voilà ce que Corneille aperçut dans son sujet. Passions impétueuses, cérémonies imposantes, sévérité républicaine, voilà ce qui frappa les yeux de l’Arétin. S’il n’a pas été profond, subtil, énergique, sublime comme le maître de la tragédie française, il a été plus fidèle à l’histoire que lui, ses couleurs sont plus locales, sa pièce est plus fortement empreinte de paganisme, plus imprégnée du génie romain.

Il a surtout le mérite d’avoir lutté contre l’horrible tragédie italienne de son époque.

Ne soyons pas fiers des horreurs que la scène française étale depuis dix ans ! Invention, énergie, création, fécondité de ressources, audace de moyens, a-t-on dit ! Eh ! non ; rien de tout cela n’est nouveau ; le théâtre italien du xvie siècle l’emporte sur nous.